Sensibilisation et information sur les risques liés à l’utilisation de produits dépigmentants
Parlement francophone bruxellois
Question écrite de Mme Fatoumata SIDIBE, Députée bruxelloise FDF, à Mme Cécile Jodogne, Ministre, chargée de la Fonction publique et de la politique de la Santé. La réponse est disponible ici.
Concerne : Sensibilisation et information sur les risques liés à l’utilisation de produits dépigmentants
La dépigmentation volontaire par l’utilisation de produits éclaircissants (crèmes, laits, sérums, gels, savons antiseptiques), «cocktail-maison» préparé artisanalement dans le but d’avoir une peau claire est une pratique qui est très répandue au sein de diverses communautés à Bruxelles et en Belgique, et au-delà de nos frontières. Plusieurs toxiques composent ces produits : mercure, corticoïdes, et le plus connu l’hydroquinone, interdit de circulation. Cette utilisation dangereuse touche les femmes, les hommes également et un nombre croissant de jeunes. Nous sommes face à un réel problème de santé publique, qui doit être pris à bras le corps.
Cette thématique que j’ai déjà portée dans le passé n’a pas vocation à lancer un débat cosmétique, de porter un jugement ou de stigmatiser mais à mobiliser autour des risques encourus par les utilisateurs de ces produits. Des études scientifiques ont significativement démontré l’ampleur des risques associés à une exposition constante à l’hydroquinone, ainsi qu’à d’autres substances actives dans ces produits tels que le mercure ou les corticoïdes. Sont mentionnés des troubles de la pigmentation, acné, atrophie cutanée, nodules, allergies, infections cutanées, poils disgracieux, vergetures, etc. À long terme, ces produits pourraient même être à l’origine de complications rénales, de diabète, d’hypertension, de gastrites, de stérilité chez les femmes, voire de cancer cutané.
Le problème est double car il concerne d’une part les usagers qui souhaitent avoir le teint plus clair et qui ignorent les risques des produits incriminés, et d’autre part les nombreux commerçants qui vendent ces produits, parfois en connaissance de cause. Certaines lotions sont en réalité des médicaments que des vendeurs peu scrupuleux font passer pour des produits cosmétiques. Cependant, il existerait des produits cosmétiques légalement mis en vente contenant des substances satisfaisant aux conditions de contrôle sanitaire et de règlementation (comme les dérivés de la vitamine A, des acides de fruits, de la vitamine C, des écrans solaires etc.).
Il importe par conséquent de prendre en considération la nécessité impérieuse d’informer, de sensibiliser, voire d’éduquer la population. Dans ce contexte, cette tendance cosmétique à vouloir s’éclaircir la peau aveugle souvent les utilisateurs qui s’exposent, et comme l’affirme un proverbe africain, «On ne peut pas réveiller quelqu’un qui ne dort pas.»
Ces préoccupations sont partagées par des organes compétents et experts ; aussi, l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) a attiré l’attention sur le risque potentiel des produits pour blanchir la peau et ce, suite à des actions de contrôle effectuées dans les magasins de produits africains de plusieurs villes en Belgique. Les douanes belges sont également informées et savent les déceler, mais les contrôles stagnent. C’est donc l’information et la prévention qui doivent prévaloir, autour de campagnes ciblées globalement et localement. Faute d’informations ou de conseils adaptés beaucoup de personnes tombent dans le piège de la dépendance, ignorent les risques encourus ou les minimisent. C’est pourquoi le rôle des pouvoirs publics est primordial. C’est un long travail. J’ai rencontré beaucoup de personnes qui se plaignent de l’interdiction de ces produits. Il faut leur expliquer que ce n’est pas parce que c’est interdit qu’il ne faut pas utiliser ces produits mais qu’il ne faut pas les utiliser parce qu’ils sont dangereux pour la santé.
Lors de la précédente législature, la répartition et la multiplicité des compétences furent des obstacles souvent invoqués pour ne pas s’attaquer au problème. J’ai ainsi entendu à plusieurs reprises qu’il n’était pas dans le rôle du ministre compétent de la COCOF de s’occuper de ces thématiques. Aujourd’hui, la multiplicité persiste, mais les transferts consécutifs à l’accord de la Sainte-Emilie confèrent d’importantes prérogatives à la Commission Communautaire française dans le domaine de la prévention. Un obstacle également mentionné lors de la précédente législature était l’absence de données solide à ce sujet, vu la taille réduite de l’échantillon du public cible.
Dans cette optique, l’utilisation d’enquêtes particulières était recommandée par le biais d’associations de terrain. Il y a aujourd’hui au moins 20.0001 ressortissants originaires d’Afrique noire en Belgique, sans compter les autres nationalités, qui sont concernées par ce risque de santé publique. Cela apparait largement suffisant pour constituer un échantillon représentatif.
C’est pour cela, Madame la Ministre, que je souhaiterais vous poser les questions suivantes :
Vos services ou des partenaires (tels que l’Observatoire de la santé et du social) se sont-ils penchés sur cette problématique ? Ces thématiques entrent-elles dans vos compétences ?
L’échantillonnage est-il réellement un obstacle vu l’importante communauté d’origine africaine vivant à Bruxelles et en Belgique ? Il existe des méthodes statistiques d’échantillonnage qui permettent d’enquêter auprès des communautés difficiles d’accès ou sous-représentées ?
Le membre du Collège réuni a-t-il décidé de mener des campagnes de sensibilisation et de prévention spécifiques pour informer que l’utilisation de produits pour s’éclaircir la peau peut nuire gravement à la santé ?
Avez-vous des données récentes concernant les actions menées par l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS) en matière de contrôles et de prévention ?
Le SPF santé publique avait publié dans le passé différentes brochures sur le sujet dont un « Guide cosmétique » ainsi que la brochure du Conseil de l’Europe « Protection sanitaire du consommateur – Lignes directrices de bonnes pratiques de production des produits cosmétiques ». Ces brochures vont-elles être réactualisées ? De nouvelles publications sont-elles prévues ?
Disposez-vous d’une évaluation concernant le nombre d’utilisateurs des produits éclaircissants?
Dans le cas contraire, une récolte d’informations à cet égard est-elle prévue afin de pouvoir disposer d’informations utiles sur cette problématique aux conséquences dramatiques sur la santé ?
La question d’une information ciblée à l’égard des personnes concernées a-t-elle fait l’objet d’une réflexion, éventuellement avec d’autres entités compétentes ?
Une campagne de prévention ciblée, en collaboration avec les autres entités compétentes, est-elle prévue ?
1 http://www.diversite.be/belgique-%E2%80%93-rd-congo-50-ann%C3%A9es-de-migration-0 ou encore les chiffres de l’Institut National de Statistiques
Quelles mesures avez-vous prises afin d’informer également les professionnels de la santé et de les sensibiliser davantage à cette problématique ?
Je vous remercie pour vos questions.
Fatoumata SIDIBE
Le 21 janvier 2015