Alphabétisation et français langue étrangère
Parlement francophone bruxellois
Interpellation de Mme Fatoumata Sidibé à M. Rudi Vervoort, ministre en charge de la Cohésion sociale. La réponse est disponible ici.
Concerne : Interpellation sur l’alphabétisation et le Français langue étrangère – 30 avril 2015
Notre société est résolument tournée vers les technologies de l’information et de la communication. Les messages sont omniprésents. Les interactions gagnent en instantanéité de jours en jours. L’avenir technologique qui se présente à nous renforcera notre potentiel d’écrire, d’imaginer, de créer, de participer sur le plan social, économique et politique. Cet avenir est dans un sens une promesse d’émancipation. Certains en sont et seront malheureusement exclus.
Ces derniers ne seront pas indépendants, ils seront maintenus dans l’ignorance de leurs droits et devoirs, ils seront exclus socialement et professionnellement. Ils rateront une nouvelle émancipation car lire et écrire est un partage de réflexion critique ainsi qu’un questionnement du monde en soi.
L’incapacité à lire est un déterminant social de la santé. L’analphabétisme est une atteinte aux droits fondamentaux des personnes et limite l’exercice de la citoyenneté. Je le dirai clairement : l’analphabétisme est un handicap qui ne semble pas faire l’objet d’une prise en compte spécifique dans le cadre des missions de service public.
D’abord l’absence de chiffres. Il est déplorable de constater que trop peu d’enquêtes quantitatives et systématiques aient été accomplies. Il est encore plus déplorable de constater l’abandon des projets allant en ce sens ; le coût étant jugé trop élevé dans le contexte budgétaire actuel.
On estime que 10% de la population adulte, en Communauté française Wallonie-Bruxelles, est analphabète ou illettrée.
Ces chiffres diffèrent de ceux de l’OCDE datant de 2012 qui se rapprochent de 15 %[1].
Dans un rapport datant de 2013, la même organisation internationale affirmait que les pays englobant de grandes communauté immigrées (tels que la Belgique) devaient développer des mécanismes plus efficaces afin de soutenir l’apprentissage de la langue, et ce par des interventions avant et après l’arrivée. La Belgique est un pays à la structure institutionnelle complexe, mais sa décentralisation doit être vue comme une force dans la possibilité de mettre en œuvre des approches innovantes au niveau local.
Il faut également réaffirmer la nécessaire adéquation entre les programmes d’éducation et les besoins du marché du travail. Mais pour arriver à cela, nous avons besoin de données ! Il faut que des moyens soient dégagés à cet effet. L’asbl « Lire et Ecrire » plaide pour que des moyens soient dégagés pour mener des recherches qualitatives, longitudinales en concertation avec les acteurs de terrain afin de permettre l’ajustement des politiques publiques et les pratiques du secteur. Elle préconise un accroissement de la diversification de l’offre de formation en alphabétisation pour tous les publics et une augmentation des moyens affectés aux associations actives dans ce domaine. Cela passe aussi par une meilleure coordination des politiques publiques
A quels défis faisons-nous face aujourd’hui ? La dégradation des conditions socio-économiques des apprenants, la prolifération des contraintes administratives qui pénalisent les personnes illettrées, l’inadéquation des formations et le manque de place, la pénibilité croissante des accueillants et des formateurs et les politiques d’insertion peu adaptées aux besoins des personnes illettrées à la recherche d’un emploi.
C’est pour cela, Monsieur le Ministre, que je souhaite vous adresser les questions suivantes:
- Qu’en est-il des études prévues sur les compétences de base des adultes en lecture et écriture en FWB (à l’instar des enquêtes internationales auxquelles ont participé les néerlandophones) des adultes afin d’obtenir des données chiffrées ?
- Qu’en est-il de la réalisation d’un outil commun aux trois entités francophones pour gérer les subventions octroyées aux opérateurs d’alphabétisation ?
- Quelles actions communes ont été menées en vue d’une approche globale et transversale ?
- Quelles sont les actions mises en place pour favoriser le développement de l’offre d’alphabétisation pour cette législature ?
- Quelles sont les actions mises en place pour développer l’alphabétisation en lien avec la formation professionnelle ?
- Dans la déclaration politique de la COCOF et concernant le droit à la formation professionnelle, je cite « Le redéploiement du réseau des organismes d’insertion socioprofessionnelle (OISP) afin de permettre un parcours du non-emploi vers l’emploi évitant les ruptures, et de systématiser la mise en place de filières par domaine d’activité (allant de l’apprentissage du français langue étrangère à la formation qualifiante pointue) » Pourquoi l’alphabétisation n’est-elle pas citée alors que depuis des années le secteur dénonce une manque de place d’alphabétisation en Insertion socio-professionnelle, particulièrement pour les personnes dites « débutantes » en français mais qui ont besoin de se rapprocher du marché de l’emploi et pour certaines, ont une expérience professionnelle. De même, il est écrit « A terme, cette réorganisation doit permettre une augmentation du nombre de demandeurs d’emploi formés par les OISP ». Que signifie le « A terme » ?
- Existe-t-il des synergies avec l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse ou Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers (CIRE) ?
- Le Comité de pilotage permanent de la Conférence interministérielle existe depuis 2005. Il célébrera son 10ème anniversaire en 2015. Combien de fois cette conférence interministérielle s’est-elle réunie ? A quand la prochaine réunion ?
- Qu’en est-il de la banque de données (questionnaire harmonisé) commune prévue pour créer un système de rapportage unique pour les associations ?
- Pourquoi la priorité 2 de l’appel à projet Cohésion sociale 2016-2020 est-elle intitulée « L’apprentissage et l’appropriation de la langue française en tant que citoyen actif » et plus « L’alphabétisation et l’apprentissage du français pour adultes peu ou non scolarisés » comme au quinquennat 2011-15 ? Pourquoi le terme « alphabétisation » a-t-il disparu ? Faites-vous une différence entre alphabétisation et apprentissage du français ? Si oui, laquelle ?
- Quelle évolution y-a-t-il au niveau des attentes relatives à cette priorité 2 entre les deux quinquennats ?
Je vous remercie pour vos réponses