Lutte contre la discrimination aun logement

Intervention de Fatoumata Sidibé dans la discussion du PROJET D’ORDONNANCE MODIFIANT LE CODE BRUXELLOIS DU LOGEMENT AFIN DE RENFORCER LA LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION – 20 décembre 18
Le groupe DéFI se réjouit vraiment de ce texte inspiré de l’ordonnance votée en matière de discrimination à l’emploi. Fin 2014, nombreux furent ceux qui découvrirent avec stupeur les résultats du baromètre de la diversité commandé par Unia. La discrimination est un véritable fléau. Elle est souvent un parcours du combattant qui peut s’avérer très long. Par exemple, un contact téléphonique peut faire prendre conscience au propriétaire que l’accent de son interlocuteur n’est pas celui qu’il souhaiterait entendre. De même, lors d’une visite, le propriétaire peut se rendre compte que la personne qu’il a en face de lui ne correspond pas à l’image qu’il se faisait d’elle.

Cela a toujours existé, d’aussi loin que je me souvienne. Je peux vous donner un exemple édifiant, remontant à une vingtaine d’années. À l’époque, j’avais passé un coup de téléphone à une propriétaire. Une discussion d’un quart d’heure s’était engagée, à la suite de laquelle nous avions convenu d’un rendez-vous. Lorsque je lui ai donné mon nom et lui ai expliqué que je venais du Mali, il y a eu un blanc au téléphone. La propriétaire a fini par me dire qu’elle ne pourrait pas me louer l’appartement si je venais d’Afrique.

Durant quinze minutes, je me suis efforcée de déconstruire les préjugés de cette femme. Je lui ai demandé de me rencontrer, afin qu’elle se fasse une idée de la personne à qui elle avait affaire. Elle a refusé. Je l’ai invitée à venir chez moi pour qu’elle puisse voir dans quel cadre je vivais et constater par elle-même que je n’étais pas entourée de cinquante personnes. À court d’arguments, elle a fini par me dire que c’était le conseil de copropriété et non elle qui ne voulait pas d’Africain dans l’immeuble. Au final, cette dame n’a jamais accepté de me rencontrer.

Je pense que l’on pourrait refaire le test aujourd’hui et le résultat serait le même. Il est inadmissible que l’on soit discriminé sur la base des origines, du sexe, du genre, de l’orientation sexuelle, de la situation familiale, du handicap ou de l’âge.

Certaines personnes sont plus victimes de discrimination que d’autres. Je pense évidemment aux personnes issues de l’immigration et aux personnes seules, dont les femmes seules avec enfant. La conjoncture économique actuelle des marchés locatif et acquisitif renforce ce genre de pratiques discriminatoires.

Les conséquences sont terribles : entre colère, perte d’estime de soi et souffrance, nombre de personnes finissent par se tourner vers les marchands de sommeil ou les propriétaires véreux qui louent des biens insalubres à des prix défiant l’entendement.

Je connais beaucoup de gens qui peinent à trouver un logement et se retrouvent finalement logés chez des parents ou des voisins. Quant à leurs enfants, ils ne sont pas dans une situation idéale pour s’épanouir et avoir une scolarité normale.

Il est bien sûr normal qu’un propriétaire cherche à s’assurer que le locataire est solvable. Le Code bruxellois du logement interdit au bailleur de considérer la nature ou la source des revenus, mais l’autorise à prendre en compte le montant de ses revenus.

En juin 2017, l’Université de Gand a mené pour le compte du gouvernement bruxellois une enquête qui a permis de mettre en évidence, à travers des tests de situation et des appels mystères, combien les discriminations étaient encore importantes. Face à ces constats interpellants, le gouvernement a mis en place un plan d’action pour l’accès au logement et renforcé les mesures existantes à travers la régionalisation du bail.

Ce plan mettait l’accent sur l’information et la formation des agents immobiliers, mais aussi la sensibilisation. Il avait été décidé que, si des tests révélaient ensuite que des agents immobiliers contrevenaient encore aux principes d’égalité et de non-discrimination, on passerait à une approche plus répressive.

Bien sûr, des lois existent, tout comme des mécanismes de sanction. Encore faut-il que les victimes connaissent leurs droits et, même si elles les connaissent, la charge de la preuve reste difficile à apporter. Aujourd’hui, les tests de situation, qui permettent de mettre en évidence les discriminations des bailleurs tant privés que publics et des professionnels du secteur, sont des outils qui permettent de lutter davantage contre ce fléau.

Il faut continuer à sensibiliser, à informer. La communication est importante, car il faut lutter contre les préjugés. Mais il faut aussi qu’il y ait une relation de confiance entre le bailleur et le preneur. C’est un équilibre à mettre en place. N’oublions pas que tous les propriétaires ne sont pas de gros capitalistes avec un portefeuille de biens.  Certains sont de petits propriétaires dont c’est le seul complément de revenus et qui pourraient avoir une vision bien plus égalitaire sur la base d’une simple information. N’oublions pas non plus, comme le disait M. De Bock, que certains propriétaires sont les « locataires des banques ». Ils ont aussi des obligations.

Le succès grandissant des agences immobilières sociales (AIS) permet de se rendre compte à quel point cet outil est important pour lutter contre les discriminations. De plus en plus de propriétaires préfèrent d’ailleurs ne plus se livrer à la sélection des locataires et confient cette tâche aux AIS. J’ai moi-même un bien que je loue via une AIS à une femme et ses quatre enfants. C’est aussi un acte important d’engagement social. Il me semble important d’expliquer que chacun peut apporter sa pierre à ce projet.

Des mesures doivent être prises pour informer les agents immobiliers et les bailleurs de leurs obligations et des amendes encourues, mais aussi les candidats preneurs de leurs droits et de leurs devoirs.

Grâce à cette campagne, on remarque une diminution des discriminations dues à l’origine – de 43% en 2017 à 25% en 2018 – et de celle basée sur les critères de revenus, qui est passée de 37% à 34%. Cela prouve l’utilité de l’information.

D’où l’importance des campagnes de sensibilisation et d’information à grande échelle. Nous nous réjouissons, à ce propos, de l’édition prochaine de la brochure relative à la discrimination au logement. Elle inclura aussi les nouvelles mesures prises dans le cadre de la régionalisation du bail.  Nous serons évidemment attentifs à la mise en œuvre de ce texte et à son évaluation, qui nous permettra éventuellement de l’améliorer. Pour nous, il s’agit assurément d’un grand pas en avant.

Leave a comment