Intervention de Fatoumata Sidibé, députée MR-FDF, dans le cadre de la discussion de la déclaration du Collège de la Commission communautaire française en date du lundi 20 juillet 2009.
Le compte rendu complet est disponible en cliquant ici
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers collègues,
Je me réjouis de me retrouver parmi vous et de prendre pour la première fois la parole au sein de cet hémicycle. Mon intervention portera sur les politiques de promotion de l’égalité hommes/femmes et la cohésion sociale.
La déclaration gouvernementale bruxelloise accorde une attention particulière à l’égalité entre les hommes et les femmes comme enjeu pour la démocratie et pour l’économie de notre pays et aussi comme combat contre l’exclusion sociale. Comme vous l’indiquez dans l’accord de majorité pour la Cocof, « la cohésion sociale concerne notamment la problématique du genre et plus particulièrement de la mixité, de l’émancipation et de l’égalité hommes-femmes ». Cependant, certains points concernant cette politique ne sont pas abordés dans l’accord mais doivent néanmoins retenir votre attention au cours de cette législature.
La longue lutte de l’émancipation
Je suis bien consciente que la Commission communautaire française est confrontée à un sous-financement structurel. Les politiques en matière de cohésion sociale imposeront donc des choix budgétaires.
En matière de promotion de l’égalité hommes/femmes, les femmes d’Occident ont parcouru un long chemin et amélioré considérablement leurs conditions de vie. N’oublions pas que la lutte pour l’émancipation a été une lente progression vers la liberté. Cependant cette évolution se heurte encore à des obstacles, à des retours en arrière qui fragilisent les acquis des femmes et constituent aujourd’hui une menace pour leurs droits.
Si, depuis quelques décennies, les femmes disposent plus librement de leur corps, actuellement, certaines d’entre elles sont soumises ou susceptibles d’être soumises à des restrictions relevant de certaines traditions et pratiques culturelles ou supposées religieuses.
Ce faisant, on en revient au degré zéro des revendications des féministes des années 70 : le droit de disposer de son corps. Ces remises en cause doivent donc nous préoccuper et nous inquiéter et demandent des décisions fermes de notre part.
En effet, sans préjuger du libre choix de quelques-unes, nombreuses sont les femmes qui ne veulent pas de compromis, qui veulent dire non à l’oppression, à la restriction ou à la saisie de leurs droits. J’estime qu’il est de notre devoir de veiller à aider et accompagner toutes celles qui veulent jouir de nos libertés, se battre pour leur égalité, se libérer du carcan des traditions, de l’oppression, des pressions de certains membres de leur communauté. J’insiste également sur le fait que la remise en question de la mixité doit être reconnue pour ce qu’elle est : une régression inacceptable du statut de la femme.
Combattre les communautarismes
Cependant il faut être clair : la lutte pour l’égalité des sexes n’est pas une offensive contre la culture ou les croyances religieuses. Mais, invoquer comme le font certains, les valeurs d’ouverture et de tolérance, le droit de liberté pour imposer, au sein de leur propre communauté, des restrictions aux principes d’égalité et de liberté de certains de ses membres est un abus inacceptable de ces valeurs et de cette liberté, que nous devons rejeter.
L’accepter reviendrait à dire que les droits humains ne valent pas pour une fraction de l’humanité. La liberté a des limites : elle ne peut être invoquée pour restreindre les droits individuels de certaines catégories de personnes. Soyons vigilants pour éviter qu’une liberté non balisée n’instaure la loi du plus vagissant, du plus fort, du plus manipulateur et n’impose celle du silence aux faibles, aux vulnérables, aux opprimés.
Assurément nous devons promouvoir un cadre légal permettant aux individus de déployer leurs spécificités culturelles et religieuses, mais nous devons combattre les extrémismes, les discriminations, les replis identitaires et communautaristes qui empêchent les citoyennes de s’épanouir et de participer de manière responsable à la vie de la société.
L’évolution démographique, culturelle et cultuelle de la Région de Bruxelles-Capitale est une réalité qui constitue un défi majeur pour l’avenir et un nouvel enjeu du « vivre ensemble ». La gestion démocratique de cette diversité culturelle croissante doit être une priorité pour le pouvoir politique.
Celui-ci doit être attentif au risque pernicieux d’une dérive vers une société fractionnée où les individus évolueront dans des communautés distinctes, une société où coexisteront des communautés aux droits et devoirs différenciés, reliées entre elles par une méconnaissance mutuelle.
Une telle situation porte le germe de tensions et de conflits. Non, notre choix doit être pour une société ouverte, basée sur des principes démocratiques, profitable à tous, qui privilégiera l’intégration de tous les individus jouissant du plein respect des droits fondamentaux.
Pour cela, il convient de prendre des mesures proactives, structurées et amplement partagées visant à fixer un nouveau contrat social et à définir un nouveau vivre-ensemble démocratique dans une cité laïque dans laquelle chaque citoyenne et chaque citoyen, sans exclusive, quels que soient leur origine, culture, classe sociale, langue, choix sexuel, pensée philosophique, croyance ou non-croyance, puissent vivre ensemble pacifiquement, dans le respect et l’égalité des droits et devoirs démocratiques.
La remise en question de ces libertés par certains, à titre individuel ou collectif, au nom de leur droit à la différence ou de l’exception culturelle peuvent être source de dérives dont les conséquences méritent d’être étudiées.
A ce titre, nous souhaitons que les Assises de l’interculturalité qui seront initiées par le gouvernement fédéral et auquel participera la Cocof abordent sans langue de bois, sans tabous, les vrais défis qui se posent et formulent des propositions concrètes.
Pour assurer la cohésion sociale, une attention particulière devra être donnée à l’essor de certains quartiers défavorisés avec une attention particulière à la situation des femmes, des jeunes et des enfants. Un programme politique complet est essentiel, incorporant les multiples facettes de l’enseignement, de la mise au travail, du cadre de vie, de l’offre de logement de la santé, de l’interculturalité fondée sur des principes d’égalité, de non-discrimination et de respect qui doivent bénéficier à tous les habitants de ces quartiers.
La cohésion sociale suppose aussi une politique d’accueil des primo arrivants. J’aimerais insister sur le fait que des populations qui résident depuis de nombreuses années à Bruxelles présentent des caractéristiques de primo arrivants dans la mesure où ils ne sont pas alphabétisés, ne parlent pas le français.
En matière de planning familial, je me réjouis de lire dans la déclaration gouvernementale que « Il faut pérenniser les mesures de double protection (pilule et préservatif) et de distribution de pilule du lendemain dans un souci de prévention. Il faut garantir l’accès à l’IVG ».
Comme indiqué dans le mémorandum de la FLCPF (Fédération laïque de centres de planning familial), si depuis 2007, la Région bruxelloise octroie des subsides aux centres de planning familial afin de dispenser gratuitement la pilule du lendemain, la première plaquette de pilules contraceptives ainsi que de distribuer des préservatifs, il conviendrait de rendre structurelles ces mesures qui dépendent de l’initiative du Secrétaire d’Etat des Affaires sociales et de la Famille. De plus, ces mesures deviennent davantage nécessaires au vu de la paupérisation d’une certaine frange de la population.
Nous prenons acte qu’un soutien particulier sera prévu par les centres agissant en milieu scolaire ou dans le secteur de la jeunesse et que le collège continuera à soutenir le projet EVRAS (Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle).
Mais, j’attire votre attention sur la nécessité d’une politique ambitieuse qui établisse en matière d’éducation sexuelle et affective une couverture optimale de l’ensemble des réseaux et des types d’enseignement. En particulier, il faut prévoir des moyens supplémentaires pour les centres de planning familial, qui éprouvent de grandes difficultés à répondre à toutes les demandes d’animations et d’activités de prévention.
J’’espère que cette législature rencontrera les attentes des citoyens qui vous ont accordé leur confiance. Pour ma part, je continuerai à être vigilante sur ces questions et je souhaite que dans sa réponse, le Collège développe les pistes d’actions qu’il compte mener et nous précise les moyens budgétaires et le délai dans lequel ces politiques particulières seront développées.