Femmes, sécurité et sentiment d’insécurité dans l’espace public – Le lundi 30 mai 2016. La réponse est disponible ici.
L’espace public n’appartient pas aux femmes. C’est hélas un constat.
De nombreux mois se sont écoulés depuis nos dernières discussions sur le sentiment d’insécurité des femmes lors de leurs déplacements en ville. Le débat faisait suite à l’étude de Marie Gillow présentée par Brussels Studies, en juin 2015 et intitulée : « Déplacements des femmes et sentiment d’insécurité à Bruxelles : perceptions et stratégies ».
Depuis lors, ce thème a été mis sous les feux de l’actualité suite à de nombreux incidents qui se sont produits dans plusieurs villes européennes, y compris en Belgique.
Les inégalités entre les hommes et les femmes en matière de déplacement à Bruxelles sont criantes et les femmes revendiquent leurs droits à l’espace public. Il s’agit de reconquérir l’espace public.
Le sentiment d’insécurité n’est pas vécu de la même manière par les femmes et les hommes. La conception et l’aménagement d’un espace peuvent soit accentuer les inégalités entre les sexes, soit faire avancer l’égalité entre les sexes. Les femmes n’ont pas à gérer individuellement cette insécurité. Il est temps que les pouvoirs publics prêtent une attention spécifique à la problématique de la sécurité des femmes dans les villes, au machisme, aux obstacles qu’elles rencontrent. Ils doivent enfourcher leur lunette, genre pour lutter contre cette discrimination spatiale indirecte.
Ce sentiment d’insécurité est bien connu des femmes. Traverser une rue mal éclairée, longer un couloir de métro peu fréquenté en soirée, relève souvent du parcours de la combattante !
Ces sentiments d’insécurité empêchent de sortir le soir, de fréquenter certains lieux et de jouir librement et sans angoisse de l’espace public. Ils sont par ailleurs exacerbés par d’autres phénomènes que nous rencontrons dans nos villes : la malpropreté des rues, les éclairages peu adaptés, les dépôts d’immondices, les terrains vagues, les immeubles abandonnés et squattés, les nuisances sonores, les bris de voitures, le manque de toilettes publiques, etc. On l’a vu, les grands rassemblements de foule exposent les femmes.
Dans l’espace public, à l’encontre des femmes, les agressions verbales ou physiques, le harcèlement de rue, les gestes ou les regards déplacés, les insultes, les intimidations sont légion et constituent autant de violences invisibles qui n’apparaissent pas dans les statistiques et qui expliquent aussi en partie ce sentiment d’insécurité.
Souvent, les femmes affirment prendre des précautions à des degrés divers lors de leurs déplacements en ville, surtout après la nuit tombée. Bon nombre de femmes ne sortent jamais seules en raison de leur situation familiale et matrimoniale, celles qui sortent tout de même sans être accompagnées jaugent l’espace public. Les femmes ne sont jamais tout à fait « défendues » dans les espaces publics urbains… Elles sortent, certes, mais doivent toujours veiller à faire un diagnostic sérieux, à calculer, à scruter l’environnement et à juger du risque potentiel d’une situation. Les marches exploratoires menées montrent que les femmes s’interdisent certaines zones.
Faut-il encore le rappeler. Les femmes représentent un groupe d’usagères spécifiques. Elles consomment l’espace public au même titre que les autres citoyens et souvent davantage. Plus que les hommes, elles accompagnent les enfants à l’école, à la garderie, font les courses, vont chez le médecin, le pharmacien. Par ailleurs, beaucoup de femmes, n’ont pas la possibilité de disposer d’un véhicule et ont recours dès lors aux transports en commun ou à la marche.
D’ailleurs, les femmes sont surreprésentées dans les transports en commun. Elles se déplacent par ailleurs plus souvent à pied, moins en vélo…plus de 50% des piétons bruxellois sont en fait des piétonnes. Les hommes fréquentent davantage l’espace public pour des activités de loisirs.
L’ONU, dans une étude Conception et aménagement d’espaces publics sûrs pour les femmes et les filles émet une série de revendications. Les parcs, les arrêts de bus, les terrains de sport, les places publiques, les parkings, etc., qui ont été conçus et aménagés en tenant compte des besoins de sécurité des femmes et des filles présentent les caractéristiques suivantes :
Accès facile en direction et en provenance de l’espace, déplacements faciles à l’intérieur de l’espace, bon éclairage permettant de voir et d’être vu, panneaux de signalisation faciles à lire, passages dégagés bien entretenus où les usagers se voient facilement les uns les autres, bonne visibilité de l’espace tout entier, sans recoins pouvant servir de cachette, équipements pour enfants et personnes âgées (dont les femmes s’occupent en grande partie), milieu urbain (trottoirs bas et larges pour les poussettes, fauteuils roulants et déambulateurs et zones à vitesse réduite, toilettes propres, sécurisées, faciles d’accès avec endroits pour changer les couches.)
La consultation et la mise en pratique de toutes les mesures recommandées par le monde associatif, les experts sont très importantes. En effet, la meilleure façon de garantir un espace public sécurisé et convivial est de travailler avec celles et ceux qui sont intéressés par la question.
Les politiques de mobilité sont donc essentielles pour améliorer le quotidien féminin dans l’espace public. Penser la mobilité, penser l’espace public, au travers du prisme du genre, est relevant pour améliorer le sort des femmes.
Ainsi, Monsieur le ministre, à l’occasion des débats sur le sentiment d’insécurité des femmes lors de leurs déplacements en ville, en date du 19 juin 2015, vous nous avez rappelé une série de mesures, ou à tout le moins d’orientations, que vous entendiez prendre.
Monsieur le ministre, les questions suivantes seront développées :
- Vous nous annonciez travailler en collaboration avec le ministre-président Vervoort à l’élaboration d’un plan éclairage. Comme vous le savez, l’éclairage public joue un rôle important dans la perception nocturne des espaces publics à différents niveaux, notamment d’un point-de-vue sécuritaire. L’éclairage révèle les espaces de circulation et leurs abords immédiats, la structuration des réseaux et leur hiérarchie mais surtout, dans le cas qui nous occupe, il permet d’identifier les différents usagers et de percevoir leur comportement, de repérer les zones de conflits et de distinguer les obstacles. Monsieur le ministre, que pouvez-vous nous annoncer par rapport à l’élaboration de ce plan éclairage ?
- Quels sont les réaménagements en cours dans certains lieux qui prennent en compte la dimension de genre ? Vous aviez notamment annoncé le réaménagement du rond-point Schuman, lieu de nombreux harcèlements de fonctionnaires européennes.
- Vous nous indiquiez également que la STIB a mené un projet avec l’ASBL AMAZONE en vue de constituer un groupe d’experts sur la préparation d’un plan d’action axés sur les pistes d’amélioration du sentiment de sécurité des femmes, tant dans les transports que dans l’espace public. Monsieur le ministre, quel écho avez-vous décidé de donner à ces travaux ?
- Concernant la sécurité dans l’espace public et le harcèlement de rue, quelles sont les initiatives que vous menez spécifiquement ? Quelle concertation avec les autres entités fédérées ?
- Un rencontre a-t-elle été organisée avec votre cabinet mais également devant l’administration, afin que les collaborateurs et les fonctionnaires a-t-elle été organisée comme l’aviez suggéré ? Si oui, avec quelle suite ?
- Vous nous indiquiez que la présence physique du personnel dans les métros avait considérablement été renforcée et que vos entendiez poursuivre dans cette voie. Quelles sont les mesures que vous avez prises en vue de renforcer la présence des effectifs dans certaines stations de métro ? Dans l’affirmative, quels sont les résultats que vous avez pu obtenir en termes de sécurité ?