Intervention de Fatoumata Sidibé, Députée FDF – 27 février 2015.
Concerne : Proposition de résolution soutenant la candidature au Prix Nobel de la Paix du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. Le compte-rendu est disponible ici.
La proposition de résolution que nous défendons ce jour vise à soutenir la candidature au Prix Nobel de la Paix 2015 du Comité des Nations Unies en charge de la lutte contre les discriminations faites aux femmes (CEDEF).
A la veille du 8 mars, c’est un signal fort que nous lançons pour mettre fin aux violations des droits des femmes, à toutes les formes de discrimination à leur égard des femmes, pour inviter à intensifier la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les aspects de la vie économique, politique, sociale et culturelle.
- Soixante sept ans après la Déclaration universelle des droits de l’Homme en 1948,
- Trente-cinq ans après l’adoption de la Convention sur toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) en 1979, par les Nations Unies,
- 25 ans après la Déclaration de la conférence mondiale de Pékin sur les femmes en 1995,
- Quinze ans après la Résolution 1325 « Femmes, paix et sécurité » du Conseil de Sécurité des Nations unies adoptée en 2000,
Malgré l’adoption de nombreux traités et instruments internationaux, les discriminations persistent et l’autre moitié de l’humanité ne jouit pas des mêmes droits ni des mêmes perspectives de vie avec toutes les conséquences que cela implique pour l’ensemble de la population de ce village planétaire qu’est le monde.
A des degrés divers, en dépit des progrès, réalisés par de nombreux Etats dans le monde, que ce soit au Moyen-Orient, en Asie, en Europe, en Océanie, en Afrique, en Amérique latine, aux Etats-Unis, de nombreux obstacles les empêchent de jouir de leurs droits sociaux, économiques, politiques. En Belgique, nous avons encore du chemin à parcourir en matière d’égalité entre les hommes et les femmes.
Dans le monde, les femmes sont discriminées, asservies, spoliées, humiliées, battues, opprimées, mariées de force, contraintes à la polygamie, mutilées, brûlées, enfermées, prostituées, exploitées, harcelées, insultées, séquestrées, vendues, violées, lapidées, vitriolées, assassinées, au quotidien, en temps de guerre comme en temps de paix, dans le secret du domicile, au travail comme dans les rues.
A côté des violences, souvent extrêmes que les femmes subissent, il y a des inégalités dans plusieurs domaines : emploi, éducation, formation, enseignement, salaire, stéréotypes de genre, sexisme, santé, accès aux droits sexuels et reproductifs, à l’héritage, aux terres, aux moyens financiers et de production, participation à la vie politique et publique, etc.
Nous devons faire front au sexisme ordinaire qui fait régresser la condition des femmes, résister à la multiplication des atteintes aux droits des femmes par les fondamentalistes religieux et extrémistes de tous bords, aux reculs des droits en matière de vie affective et sexuelle, ceci singulièrement en matière de droit à l’avortement.
Il faut aussi contrer ceux qui, au nom du droit à la différence pervertie en différence des droits, voudraient qu’on les laisse tranquillement enfermer les femmes dans un état de non-droit, au nom du relativisme culturel, des religions, des traditions qui enferment, qui oppriment, qui oppressent.
Oui, les femmes sont les premières cibles des intégristes, conservateurs, relativistes qui veulent les soustraire de la sphère publique, contrôler leur corps, leur sexualité, faire main basse sur leurs destins.
Nous devons également résister face les offensives des extrémistes de tous bords, des lobbies religieux très puissamment implantés dans les nouveaux Etats membres et qui s’emploient à faire reculer les droits des femmes au sein de l’Union européenne et dans le monde.
Il faut le proclamer avec force et résister, car si nous voulons avancer, certains souhaitent nous faire reculer en tentant de faire renaître des législations répressives qui ont été combattues par les luttes féministes et les mouvements laïques.
Nous devons également soutenir ces femmes qui se battent dans le monde contre l’intégrisme, qui risquent leur vie pour lutter contre les lois répressives et totalitaires de leurs pays.
A la veille du 8 mars, les FDF se réjouissent du signal fort que le Parlement régional bruxellois veut donner en soutenant la candidature du CEDEF au Prix Nobel de la Paix.
C’est donc résolument que nous demandons au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale d’appuyer la candidature au Prix Nobel de la Paix du Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de prendre les contacts utiles avec les autres niveaux de pouvoir, afin de soutenir d’une même voix cette candidature.
Cet engagement ne constitue pas une porte fermée au soutien d’autres d’autres candidat(e)s engagé(e)s pour la défense des droits des femmes.
Je pense à Denis Mukwege, médecin-directeur de l’Hôpital de Panzi dans le Sud-Kivu, nominé pour la seconde fois « Prix Nobel de la Paix 2015 ».
« L’homme qui répare les femmes », les petites filles et depuis peu des bébés qui sont violées, mutilées, traumatisées,
L’homme qui a soigné près de 40.000 femmes victimes de viol dans l’est de la RD Congo,
L’homme qui se bat contre le viol, cette arme de guerre qui détruit et mine la République démocratique du Congo (RDC),
L’homme qui interpelle les dirigeants du monde et secoue les consciences pour briser le silence assourdissant de la communauté internationale et mettre fin aux atrocités sans nom commises au Kivu.
La convention, qui a vu le jour en 1979 et qui est entrée en vigueur en 1981, a pour spécificité qu’elle réunit l’ensemble des conventions déjà adoptées, brasse toutes les questions concernant les femmes et a une valeur normative.
La Convention a un caractère « quasiment universel », puisqu’elle a été ratifiée par 187 pays dont la Belgique ; ce qui représente plus de 90% des pays membres des Nations Unies et 100% des pays de la francophonie.
Elle est dotée d’un comité d’experts chargé du suivi de son application. C’est le premier texte qui définit de manière détaillée la discrimination à l’égard des femmes et envisage tous les aspects de leur vie (santé, éducation de base, chances de carrière professionnelle, activité sociale et politique, statut économique et juridique, etc.), ce qui en fait un important instrument de protection des droits humains.
Elle fixe les obligations juridiques auxquelles les Etats doivent se conformer : respecter, protéger et assurer l’exercice des droits humains des femmes.
Sa mise en œuvre est contrôlée par un Comité CEDEF composé de vingt trois experts élus.
La convention examine les états d’avancement que les états doivent remettre tous les 4 ans, fait des observations, peut recevoir des recours individuels ou collectifs. Elle est également habilitée à ouvrir des enquêtes dans les Etats. Mais il faut que ceux ci acceptent cette procédure.
Le Comité émet des recommandations et espère pouvoir compter sur la bonne volonté des États pour les appliquer. Le CEDEF n’a pas de force contraignante, il n’a réellement d’effets que pour des États volontaristes. Et on le sait, certains Etats signataires de cette Convention ne respectent pas les droits des femmes.
Si on se réjouit que certains Etats aient ratifié la convention, on ne peut que s’inquiéter « de l’ampleur, la nature des réserves émises sur des articles essentiels au but et à l’objectif de la Convention ».
Il y a donc des questionnements sur les impacts et effets d’une telle ratification, sur l’instauration d’une réelle égalité entre les hommes et les femmes dans ces pays.
Mais cette convention est une arme universelle brandie pour la protection des droits des femmes.
Même si cette arme pacifique ne dissuade pas tous les pays de mettre fin aux discriminations à l’égard des femmes, elle permet aux militants et militantes de s’en emparer pour engranger des changements positifs dans leurs pays. Elle est une référence pour les parlements e matière d’égalité.
Le rôle des parlementaires et des mouvements des femmes est donc fondamental en, ce qu’ils poussent leurs états à adopter cette convention, à la ratifier, à travailler à son application sur le terrain.
Certains états partis connaissent hélas aujourd’hui des pressions afin qu’ils se désengagent du CEDEF.
Oui, le CEDEF est une arme de résistance massive face aux projets politiques totalitaires, liberticides et passéistes qui veulent restreindre les libertés des femmes.
Oui, il faut résister pour mettre fin aux violations des droits des femmes.
Résister et soutenir plus que jamais l’action du CDEDF, témoigner de notre solidarité universelle.
Oui, à quelques encablures de la mise en œuvre de la conférence Pékin +20, nous devons réaffirmer par un renfort massif, notre engagement pour l’élimination des discriminations à l’encontre des femmes, le respect des droits humains. Au nom des femmes. Au nom de la paix.