Parlement de la Région Bruxelles-Capitale
Mon intervention lors de la DISCUSSION DE LA DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE DU GOUVERNEMENT – 20 octobre 2011. L’intervention est disponible ici.
Le compte-rendu complet est disponible ici
Aimer Bruxelles et contribuer au « vivre ensemble », c’est aussi avoir comme priorité la promotion de l’égalité entre hommes et femmes. Je regrette de ne pas avoir entendu le ministre-président mettre en avant ce défi. La Région de Bruxelles-Capitale compte près de 52% de femmes. L’homme le plus pauvre est une femme, chômeuse, âgée de 34 ans, mère de famille seule avec ses deux enfants. Tel est le constat dressé par une étude réalisée par le service d’insertion socioprofessionnelle de la Fédération des CPAS de Wallonie. À Bruxelles, le profil serait identique.
La crise du logement et la hausse de la précarité des locataires bruxellois affectent de nombreuses personnes. Ce sont surtout les plus pauvres qui sont touchés et, quand on parle de pauvreté, les femmes sont en première ligne.
Je souhaite attirer votre attention sur l’impact que la crise du logement a sur les femmes et les familles monoparentales, dont la grande majorité sont des femmes seules avec enfants à charge. Elles rencontrent de grandes difficultés à se loger dansdes habitations décentes, salubres et accessibles financièrement. Elles sont victimes de discriminations de la part des propriétaires, liées aux revenus, à l’âge, à l’origine ethnique ou au fait qu’elles ont des enfants à charge. La pénurie de logements sociaux est un fait avéré. Or, les promesses en la matière tardent à se concrétiser. Sur un objectif de 5.000 logements sociaux, seuls 254 ont été construits à ce jour et 895 sont effectivement en chantier. À côté de cela, il y a 2.443 logements et 12.000 chambres vides dans les logements sociaux. Les agences immobilières sociales (AIS) jouent un rôle fondamental mais, pour certaines familles, leurs loyers restent encore trop élevés. Des moyens supplémentaires octroyés aux AIS permettraient de proposer plus de logements à loyer modéré.
Au niveau de l’hébergement des victimes de violences conjugales et intrafamiliales, si des progrès ont été accomplis, il est essentiel de continuer à mobiliser toutes les énergies. La question du logement est essentielle pour les femmes victimes de violences conjugales. En effet, nombre d’entre elles sont amenées à devoir quitter leur domicile de toute urgence, parfois accompagnées de leurs enfants, pour être généralement prises en charge par des structures d’accueil spécialisées. On le sait, l’hébergement en maison d’accueil est un hébergement temporaire. Bien souvent, les pensionnaires sont amenées à devoir quitter la maison d’accueil sans avoir pour autant d’autre solution de logement. La crise du logement y est pour beaucoup. Il est donc nécessaire de développer des alternatives comme les logements de transit, l’attribution de points de priorité dans les logements sociaux, l’extension du dispositif de l’Allocation de déménagement-installation et d’intervention dans le loyer (ADIL) aux usagers des maisons d’accueil ou des logements de transit. Il faut également dégager des moyens pour inciter les communes et les CPAS à augmenter le nombre de logements moyens, sociaux et de transit.
Le taux d’emploi des femmes à Bruxelles est fort faible. C’est de loin le taux le plus bas des trois Régions. Si seulement 27% des femmes bruxelloises faiblement qualifiées disposent d’un emploi, cela ne se traduit toutefois pas par un taux
de chômage massif. Il convient donc d’examiner de plus près le taux de non-emploi. En effet, à côté des femmes au chômage, il y en a d’autres qui, à titre définitif ou provisoire, ont renoncé à se présenter sur le marché de l’emploi. Le taux d’activité est encore plus faible pour les femmes d’origine non-européeenne. Le faible taux d’activité des femmes d’origine étrangère résulte de différents facteurs : ils sont culturels ou familiaux, liés aux faibles qualifications, au confinement, à des filières scolaires peu porteuses en termes d’emploi ou à la persistance de discriminations ethniques à l’embauche. Ces obstacles combinés ne sont pas de nature à inciter ces femmes à se présenter sur le marché de l’emploi.
Il faut accorder une attention particulière aux femmes rentrantes, appellation peu flatteuse qui désigne celles qui, pour diverses raisons, ont décidé de faire une pause dans leur carrière. Quand vient l’heure et l’envie de reprendre une activité professionnelle, elles ont toutes les peines à se réinsérer sur le marché de l’emploi. Et quand elles trouvent un travail, il s’agit souvent d’un emploi précaire et sous-qualifié.
Concernant l’accueil de la petite enfance, nous sommes en pleine explosion démographique et la rupture est nette entre les besoins en termes d’accueil et les capacités de la Région. Si des mesures ont effectivement été prises, elles l’ont été beaucoup trop tardivement. Nous nous réjouissons d’apprendre que, grâce à l’impulsion régionale et aux plans de la Fédération Wallonie-Bruxelles, près de 900 places supplémentaires sont programmées d’ici 2014, et qu’une note-cadre du gouvernement permettra de renforcer les collaborations avec les Communautés.
À côté de la pénurie de crèches, un autre élément freine les femmes dans la recherche d’un emploi : le coût de la garde d’enfants.
Il faut lutter contre les pièges à l’emploi, valoriser le travail et agir positivement au niveau des salaires. L’emploi est parfois moins rémunérateur que le chômage ou l’inoccupation. Plus le salaire est bas, moins l’envie de chercher un emploi est présente. C’est donc en agissant également sur les politiques familiales, en augmentant le nombre de crèches et en les rendant accessibles à toutes les femmes que l’on pourra donner aux femmes un espace de liberté leur permettant de se former, de bénéficier de temps à soi, de pouvoir gérer ce dernier, d’obtenir un emploi et de s’émanciper socialement. L’une des priorités du gouvernement doit donc être de réduire les inégalités dans l’accès à la formation et au marché de l’emploi, mais également d’agir au niveau des politiques familiales.
Nous nous réjouissons de la mise sur pied en 2012 du Conseil consultatif bruxellois pour l’égalité des chances, un outil au service de l’égalité entre les hommes et les femmes. Le secteur associatif réclame depuis longtemps des données statistiques ventilées par sexe, afin de disposer de données objectives permettant de préciser la situation et les besoins des femmes et de mieux orienter les politiques. L’Institut bruxellois de statistique et d’analyse (IBSA), dont les moyens budgétaires et humains ont été augmentés et qui va suivre de près les tendances
régionales, aura-t-il aussi pour mission d’intégrer de manière systématique le critère du genre dans toutes les statistiques ?
Si la volonté du gouvernement est de s’engager dans l’égalité hommes-femmes, il doit, en fonction de ses objectifs prioritaires, mettre en place les outils qui permettent d’élaborer un budget sensible au genre.
Le « vivre ensemble », c’est également relever les défis de la diversité dans une société riche d’un pluralisme ethnique, culturel, religieux et philosophique, mais traversée également par des tensions, des incompréhensions, une montée de revendications religieuses ou identitaires, des discriminations, des préjugés et le rejet, la méconnaissance et la peur de l’autre. Nous devons fortifier la citoyenneté, socle de toute société démocratique. La citoyenneté partagée, ce ne sont pas des individus juxtaposés les uns à côté des autres. Non, c’est un ensemble d’hommes et de femmes attachés à un projet commun et partageant des valeurs communes. C’est également la participation active à la vie de la cité, l’acceptation et le respect des lois et des règles en vigueur, ainsi que l’égalité en droits et devoirs pour tous. Qui dit citoyenneté dit aussi laïcité de l’État. C’est ce cadre juridique qui sépare les religions et l’État, le droit et la foi. Ce défi reste encore à relever à Bruxelles, et je sais que vous y êtes sensible. Nous espérons continuer à porter ensemble ce combat pour vivre la diversité, dans le respect mutuel des lois et des valeurs communes.