Séance plénière du Parlement Francophone Bruxellois du 19 septembre 2018Intervention de Fatoumata Sidibé dans le cadre du débat sur les violences faites aux femmes – La réponse est disponible ici
Madame la Ministre,
Chers collègues,
Je tiens à remercier mes collègues d’avoir déposé ces interpellations au sujet de la problématique qui me tient particulièrement à coeur. Pour ma part, j’aimerais encore ajouter quelques questions complémentaires à celles qui ont déjà été posées.Tout d’abord, je souhaiterais savoir où en est la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul pour la prévention et l’élimination des violences envers les femmes et des violences domestiques ? Pourriez-vous nous présenter brièvement les différentes initiatives que le Collège de la COCOF a prises au cours de cette législature en vue d’appliquer cette convention du Conseil de l’Europe ? L’Etat belge a-t-il déjà transmis son rapport aux experts chargés d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul ? Dans l’affirmative, quelles sont les conclusions de ce rapport ?
Concernant la problématique des mariages forcés évoquée et sur laquelle je reviens régulièrement, je suis heureuse que grâce à ma pugnacité qu’un jeudi de l’hémicycle a été organisé sur le sujet en mars de cette année et que dans la foulée, des auditions ont été organisées avec le secteur associatif en commission des affaires sociales. Les travaux ne sont d’ailleurs pas terminés et des recommandations plus concrètes vont sans doute être formulées. Il est évident que les questions de l’hébergement spécifique, des formations, du dépôt de plainte, de la coordination entre les différentes structures restent une demande constante.
S’agissant ensuite des Family Justice Centres, je me joins aux remarques formulées par ma collègue S. Susskind. Les Family Justice Centres ont fréquemment recours à la médiation, ce qui est évidemment contraire au prescrit de la Convention d’Istanbul. Tous les acteurs issus du monde associatif s’accordent à considérer que la médiation ne constitue, en aucun cas, une procédure appropriée pour traiter les cas de violences conjugales ou intrafamiliales. Il est inutile de rappeler que l’objectif de la lutte contre les violences envers les femmes n’est pas d’aplanir les différends, comme s’il s’agissait de simples querelles de voisinage. L’objectif de cette politique est plutôt de prévenir les violences, de protéger les victimes et de poursuivre les auteurs de ces violences.
Par ailleurs, je voudrais vous interroger au sujet de l’hébergement des femmes victimes de violences conjugales et intrafamiliales. Pourriez-vous nous fournir une estimation du nombre de femmes victimes de violences intrafamiliales actuellement hébergées au sein des maisons d’accueil de la Région de Bruxelles-Capitale ? Pouvez-vous nous confirmer que la deuxième maison d’accueil exclusivement réservée aux victimes de violences conjugales qui a été inaugurée fin 2016 est déjà complètement saturée ? Madame la Ministre, vous nous avez également annoncé qu’une nouvelle maison d’accueil spécialisée dans l’accueil des familles monoparentales devrait ouvrir ses portes dans le courant de l’automne 2018. Cette nouvelle structure pourra héberger non seulement des femmes victimes de violences, mais aussi leurs enfants. Quand cette nouvelle maison d’accueil ouvrira-t-elle ses portes ? Combien de familles monoparentales pourront-elles y être hébergées ? Le Collège de la COCOF a-t-il pris, ou envisage-t-il de prendre, de nouvelles initiatives afin d’accroître le nombre de places destinées aux victimes de violences conjugales au sein des structures d’accueil ? Combien de femmes victimes de violences intrafamiliales ont-elles pu bénéficier du suivi post-hébergement assuré par les maisons d’accueil ? Bien entendu, les pouvoirs publics ne doivent pas se contenter d’offrir à ces femmes une place en maison d’accueil ; le véritable objectif est de leur garantir l’accès à un logement durable afin qu’elles puissent prendre un nouveau départ dans la vie. C’est la raison pour laquelle, avec votre double casquette de Ministre de l’Action Sociale et de Ministre du Logement, vous avez décidé de favoriser l’accès de ce public spécifique au logement social en insérant une nouvelle disposition dans l’arrêté locatif du 26 septembre 1996. Ainsi, l’article 36 dudit arrêté prévoit désormais que chaque SISP doit conclure avec des structures d’accueil agréées une (ou plusieurs) convention(s) d’attribution prioritaire de logements portant sur un quota de 3 % minimum du total des attributions de l’année précédente. Près de trois ans après l’entrée en vigueur de cette disposition, quel bilan dressez-vous de ce quota d’attribution prioritaire de logements ? Combien de logements sociaux ont-ils été attribués à des femmes victimes de violences conjugales en 2016, 2017 et 2018 ?
Enfin, je souhaiterais évoquer les actions de sensibilisation à la problématique des violences envers les femmes. Madame la Ministre, avez-vous procédé à une évaluation de la campagne « Fred et Alice » ? Cette campagne a-t-elle atteint ses objectifs ? Je voudrais aussi savoir si le Collège de la COCOF a prévu de lancer une nouvelle campagne de sensibilisation à l’occasion de la journée internationale sur l’élimination des violences envers les femmes, le 25 novembre prochain ? Dans l’affirmative, quel budget le Collège de la COCOF a-t-il débloqué afin de financer cette campagne ? Pouvez-vous nous expliquer en quoi consisteront les différentes actions de sensibilisation ? Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, à plusieurs reprises, lors de précédents débats parlementaires, je pense que devrions repenser l’esprit de ces campagnes de sensibilisation. Selon moi, nous devrions cesser de diffuser systématiquement des spots télévisés présentant une image victimaire d’une femme battue ayant un œil au beurre noir. Il pourrait être intéressant de donner une image plus positive en retraçant la trajectoire de femmes ayant subi des violences conjugales, qui ont réussi à s’en sortir et qui mènent aujourd’hui une vie normale. Cela me paraît essentiel, car les femmes victimes de violences intrafamiliales ont souvent l’impression qu’elles ne pourront jamais se reconstruire et prendre un nouveau départ dans la vie. Elles sont pourtant nombreuses à y être parvenues et constituent un exemple extraordinaire pour toutes celles qui peinent et s’imaginent que c’est impossible. Selon moi, il faudrait donc montrer une image positive de résistante, et pas uniquement de victime.
Merci d’avance pour vos réponses.