Question orale de Fatoumata Sidibé à MMe Bianca Debaets, ministre en charge de l’égalité des chances.
Le suivi de la proposition de résolution discrimination à l’entrée des discothèques et autres lieux de sortie – Le lundi 9 juillet 2018.
En Septembre 2017, le Parlement a voté ma proposition de résolution visant à lutter contre les discriminations à l’entrée des discothèques, bars, cafés, restaurants, commerces et autres lieux de sortie. Dans le même temps, a été votée une ordonnance anti-discrimination mettant en oeuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services.En effet, malgré les lois antiraciste et anti-discriminations, certains clients restent discriminés en raison de leur origine, leur genre, leur âge, leur orientation sexuelle, leur situation de handicap, leurs conviction religieuses ou philosophiques.
Ce phénomène, outre qu’il soit une atteinte aux droits fondamentaux, est une exclusion très difficile à vivre pour ne nombreux citoyens, nuit à la cohésion et à la mixité dans notre société.
Or les motifs pour interdire l’accès, au-delà de leur caractère discriminatoire et donc illégal, sont très flous. D’ailleurs, il ne s’agit pas d’une interdiction radicale et absolue, mais bien d’une « admission sélective » justifiée par le fait de restreindre le nombre de personnes de manière préventive, éviter une baisse de la fréquentation du lieu, par mesure de sécurité, pour accueillir les habitués comme il se doit, etc.
Certes, il ne faut pas sombrer dans les extrêmes. Bien sûr que les portiers peuvent faire le tri en fonction de la tenue vestimentaire, du comportement, de la consommation d’alcool et de drogues, de la taille d’un groupe, etc. Ils ont le droit de poser des actions préventives de contrôle pour maintenir le calme et l’ordre.
Le problème c’est que ce sont (trop) souvent certains groupes ethniques qui sont recalés. Il est donc fondamental de prendre à bras-le-corps cette problématique complexe qui concerne des acteurs et partenaires très différents. Si le meilleur moyen de lutter contre ce phénomène est de pouvoir discuter directement avec le secteur Horeca, ne nous leurrons pas, c’est un travail sur le changement des mentalités, de sensibilisation, de prévention mais aussi de sanction qui doit être mené.
D’autant plus que la parole se libère, des actions de testing ont été menées, des plaintes déposées, ce type de discrimination commence à sortir de l’invisibilité. Les clients ne veulent plus se résigner à accepter cette pratique discriminatoire, les victimes commencent à connaître leurs droits. Cependant bien trop souvent la difficulté de fournir la preuve de l’acte discriminatoire reste un véritable parcours du combattant pour la victime.
L’intervention de la police sur les lieux du délit ainsi que le dépôt de la plainte est importante. Cependant, bon nombre de gens m’ont rapporté que quand ils appellent la police, elle rechigne à acter des faits si anodins en apparence. Le plus pervers, c’est que pour filtrer leur clientèle, les gérants emploient aussi des portiers d’origine étrangère chargés de sélectionner la clientèle. Et quand celle-ci arrive, il arrive qu’ils disent « vous voyez bien qu’il n’est pas raciste. La preuve c’est qu’il est étranger comme vous ! La discrimination n’a pas de couleur. Le racisme non plus. J’entends dire qu’il faut faire confiance aux portiers, qu’ils savent ce qu’ils font. Oui mais il y a une responsabilité dans le chef des exploitants des établissements car ils formulent aussi des discriminatoires ou ferment les yeux sur les pratiques de sélection du personnel.
Avec la proposition d’ordonnance votée, il y a eu une avancée très importante : le principe du renversement de la charge de la preuve. Désormais, ce ne sera plus la victime qui devra prouver la discrimination ; ce seront les propriétaires des boîtes de nuit, des bars, etc. qui devront démontrer l’absence de discrimination. Le demandeur doit déposer des faits ou preuves qui peuvent mener à une présomption de discrimination et c’est l’inculpé qui est chargé de rejeter cette présomption.
Nous avons avancé différentes pistes. Des initiatives pour améliorer les politiques d’admissions sont menées chez nous par des autorités locales. Je pense à Gand (caméra de surveillance à l’entrée et/ou à la sortie, obligation pour les établissements du secteur Horeca d’afficher clairement à leurs entrées un numéro gratuit central de SMS transféré vers Unia et une adresse mail en vue de signaler des cas de discrimination. La mesure ne semble pas parfaite mais elle a un effet dissuasif signalement d’éventuels et permet de repérer les fréquences de signalements dans certains établissements.
Je pense à Louvain, une autre mesure est d’obliger les portiers à remplir un registre de refus afin de justifier pourquoi ils refusent l’accès à certaines personnes. A Rotterdam, un système plus global de code-barres a été mis en place à l’entrée de presque tous les lieux de sortie. Les personnes s’estimant victimes de discrimination n’ont qu’à le scanner. Cette traçabilité permet de repérer les établissements où il y a le plus de plaintes et de pouvoir entamer des actions, plaintes, concertations, etc.
Il va falloir montrer plus concrètement notre volonté de lutter contre ce phénomène. Il faut davantage de mesures de sensibilisation, l’information, de formation des acteurs de terrain ; de concertation et un dialogue direct avec le secteur Horeca, les autorités locales, les zones de police, le Parquet, les portiers, les exploitants, les associations, les usagers.
Et il faut la mise en oeuvre des dispositifs, d’une part, de contrôle et, d’autre part, de suivi des plaintes de ce type de discriminations, en collaboration avec le Centre interfédéral pour l’égalité des chances.
Madame la Secrétaire d’Etat, mes questions sont les suivantes :
- Vous dites avoir pris des mesures supplémentaires en faveur des personnes qui interviennent comme témoin, conseil, défendeur ou soutien de la personne concernée, lorsqu’une plainte est déposée. Quelles sont concrètement ces mesures et quel bilan ?
- Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle ordonnance qui vise surtout les exploitants et non plus les videurs, les plaints ont-elles augmenté notamment auprès d’UNIA ? Des infractions ont-elles été recensées ? Des sanctions ont-elles été appliquées ?
- Vous avez lancé une grande action de sensibilisation du public notamment avec le site www.reagis-auracisme.brussels , couplé à une campagne de communication visant victimes et témoins. Le site explique comment procéder et une ‘affiche de la campagne axée sur les lieux de sortie porte le slogan : « Tous les racistes ne sont pas admis en boîte ». Ces affiches ont-elles été distribuées et placées dans des lieux de sortie ? Quel est le bilan de cette campagne ?
- Pourquoi ne pas faire campagne pour inciter les boîtes de nuit devraient mettre en place un système d’affichage clair reprenant les différentes règles à respecter pour entrer comme l’obligation de porter une chemise ou de disposer d’une carte de membre.
- Qu’en est-il de l’élaboration d’un guide anti-discrimination à l’entrée des établissements de nuit ?
- J’avais suggéré l’élaboration d’inventaire des bonnes pratiques à mettre à la disposition des communes ? Cette piste est-elle envisagée ?
- Vous avez dit que le protocole contre la discrimination et pour la diversité dans les discothèques élaborées par la précédente secrétaire d’État à l’Égalité des chances et qui visait à stimuler la concertation entre les signataires et à améliorer ainsi leur image, ne porte pas de résultats. De quels signataires s’agissait-il ? Basé sur l’engagement volontaire des établissements, sauf erreur de ma part, un seul y a adhéré. Quelles sont les raisons évoquées pour ne pas y adhérer ? Y a-t-il un moyen de les contraindre ?
- La Région ne dispose pas de la compétence de police. Il faut passer par le niveau communal. Mais envisagez-vous d’organiser une rencontre avec les différentes zones de police, pour mettre en place un dialogue et une concertation, à l’instar de Gand, afin de réfléchir à une adaptation du règlement de police, la mise en place de caméras et d’une centrale SMS ?