Concerne : Les difficultés financières de l’ASBL Job Dignity – vendredi 4 mai 2018
Comme vous, madame la Ministre, et comme certains de mes collègues, j’ai eu l’occasion de participer à la journée de réflexion « Femme avec ou sans toit » consacrée à la problématique des femmes sans abri, qui a été organisée par l’Université des femmes le 22 mars dernier. Dans leurs interventions, les experts et les acteurs de terrain issus du monde associatif ont rappelé que le sans-abrisme féminin était un phénomène singulièrement complexe ayant des causes multiples : les violences conjugales et intra-familiales, la monoparentalité, les ruptures familiales, la perte d’un emploi, les problèmes de santé (physiques ou psychologiques), les migrations, le manque de logements de qualité à des prix abordables, etc. Même si le fait de perdre son logement est évidemment un drame aussi bien pour les hommes que pour les femmes, les différents intervenants ayant pris part à ce colloque ont souligné que les femmes vivant dans la rue, dans des squats ou dans des structures d’hébergement d’urgence sont généralement confrontées à une série de problèmes spécifiques auxquels les hommes sans abri ne doivent pas faire face. En effet, les femmes sans abri sont particulièrement exposées aux agressions physiques ou sexuelles et constituent des proies idéales pour les réseaux de prostitution, d’exploitation sexuelle et de traite des êtres humains. En outre, les femmes ont naturellement certains besoins spécifiques en matière d’hygiène, d’intimité et de soins médicaux, besoins qu’elles peinent à satisfaire lorsqu’elles dorment dans la rue ou dans des centres d’hébergement d’urgence.
Dans le cadre de la présente question orale, je n’entends pas m’appesantir sur les nombreux aspects de la problématique du sans-abrisme féminin, qui mériteraient de faire l’objet d’un vaste débat. Je souhaiterais plutôt attirer votre attention sur les graves difficultés financières rencontrées par certaines associations venant en aide aux femmes sans abri en région bruxelloise, et tout particulièrement par l’ASBL Job Dignity. Lors du colloque du 22 mars, la grande majorité des intervenants s’accordaient à dire que les pouvoirs publics devraient s’efforcer d’augmenter les moyens budgétaires mis à la disposition des associations actives dans le secteur de l’aide aux femmes sans abri, afin de leur permettre d’accomplir leurs différentes missions : l’hébergement, l’accompagnement psychosocial, le suivi administratif, l’accompagnement dans la recherche d’un emploi et d’un logement, etc. Certaines de ces associations ne parviennent pas à obtenir des subventions et doivent donc financer leurs activités sur leurs fonds propres, ce qui les place parfois dans une situation financière extrêmement difficile. Il en va notamment ainsi de l’ASBL Job Dignity qui gère un centre de formation réservé aux femmes sans abri. Depuis sept mois, cette association n’est plus en mesure d’honorer le loyer (environ 1 600 euros par mois) et les charges (environ 300 euros par mois) de l’immeuble sis rue des foulons, dans lequel elle a installé son centre de formation. Par conséquent, les huissiers ont ordonné la fermeture du centre le 5 avril et la propriétaire de l’immeuble a accordé à l’ASBL un délai d’un mois pour s’acquitter des arriérés de loyers et de charges.
Selon moi, il serait regrettable que cette association qui réalise un travail remarquable soit contrainte de mettre un terme à ses activités en raison de ce problème financier. Les femmes sans abri qui fréquentent le centre géré par l’ASBL Job Dignity peuvent suivre des cycles de formation dispensés par des professionnels bénévoles et des retraités dans différents domaines, notamment la vente et l’hôtellerie. A l’issue de la formation, les compétences de ces femmes sont évaluées de façon officieuse afin de s’assurer qu’elles sont aptes à exercer la profession. Si l’évaluation s’avère être positive, l’association aide ensuite ces femmes à décrocher un emploi à temps plein ou à temps partiel grâce à son réseau de partenaires (magasins de vêtements, magasins de maroquinerie, cafés, restaurants, …). Si une femme sans abri réussit à conserver cet emploi pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois, l’ASBL Job Dignity l’aidera alors à trouver un logement en faisant appel à la générosité de certains propriétaires proches de l’association, qui acceptent de louer des studios ou des petits appartements à des prix abordables. Depuis l’ouverture du centre le 17 octobre 2017, cinq femmes sont déjà parvenues à sortir du sans-abrisme, en obtenant à la fois un emploi et un logement. L’association s’occupe actuellement d’une cinquantaine de femmes sans abri qui sont majoritairement hébergées pendant la nuit au sein des structures du SAMU Social. De toute évidence, les missions accomplies par l’ASBL Job Dignity revêtent une importance capitale, dans la mesure où elles contribuent à la réintégration des femmes sans abri dans la société. Les activités de cette association semblent d’ailleurs parfaitement en phase avec les grandes orientations de la politique de lutte contre le sans-abrisme actuellement menée par la COCOF et la COCOM, politique qui entend mettre l’accent sur l’accompagnement structurel et l’insertion des personnes sans abri afin de les sortir définitivement de l’extrême pauvreté.
Jusqu’à présent, l’ASBL Job Dignity s’est uniquement appuyée sur ses fonds propres pour financer ses activités, et la fondatrice de l’association a même contracté un emprunt personnel pour pouvoir payer les six premiers mois de loyers de l’immeuble situé rue des foulons. Malheureusement, la maigre trésorerie de l’ASBL ne lui permet plus de prendre en charge les frais liés à la location du bâtiment. Selon la presse, la fragilité financière de Job Dignity s’explique par le fait que, malgré de multiples demandes, cette association ne bénéficie d’aucune subvention versée par les pouvoirs publics. Au cours des dernières semaines, les responsables de Job Dignity ont entrepris des démarches en vue de solliciter de toute urgence un soutien financier des pouvoirs publics. Début mars, ils ont rencontré les dirigeants du CPAS de Bruxelles-Ville, mais ces derniers leur ont expliqué qu’ils n’étaient pas habilités à octroyer des subsides. Le CPAS bruxellois a conseillé à l’association de s’adresser au Collège de la COCOF, et en particulier à la ministre en charge de la Politique de l’Aide aux Personnes. Dans la presse, la fondatrice de l’ASBL affirme avoir pris contact avec votre cabinet, madame la ministre, mais il semblerait qu’aucun rendez-vous n’ait encore été fixé.
Madame la Ministre, mes questions sont les suivantes :
- Pouvez-vous nous confirmer que les responsables de l’ASBL Job Dignity ont pris contact avec votre cabinet en vue de fixer un rendez-vous ? Dans l’affirmative, avez-vous accepté de rencontrer les responsables de cette association ? Le Collège de la COCOF est-il prêt à octroyer un subside à cette ASBL afin de lui permettre de payer les loyers et les charges de l’immeuble situé rue des foulons ?
- D’après les informations dont vous disposez, y a-t-il d’autres associations actives dans le secteur de l’aide aux femmes sans abri, qui sont actuellement confrontées à des difficultés financières comparables à celles rencontrées par l’ASBL Job Dignity ? Dans l’affirmative, pouvez-vous nous indiquer quelles sont ces associations ? Le Collège de la COCOF a-t-il accordé, ou envisage-t-il d’accorder, une aide financière à ces associations ?
- De façon plus générale, pourriez-vous nous présenter brièvement les différentes initiatives que le Collège de la COCOF a prises au cours de cette législature en vue de soutenir les associations venant en aide aux femmes sans abri en région bruxelloise ? Le Collège a-t-il octroyé des subsides à certaines de ces associations ?