Interpellation de Mme Fatoumata Sidibé (députée bruxelloise DéFI) à Mme Céline Fremault, ministre du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale en charge du Logement – 19 avril 2018. La réponse est disponible ici.
Concerne : les mesures prises par le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale en vue de lutter contre les discriminations dans l’accès au logement. Madame la ministre, Chers collègues,
En juin 2017, nous avons pris connaissance des résultats de l’étude portant sur la discrimination au logement à Bruxelles, que des chercheurs de l’Université de Gand ont réalisée pour le compte du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. Afin de déterminer si certains groupes sociaux étaient victimes de discriminations sur le marché locatif privé dans notre région, les auteurs de l’étude ont procédé à des tests de correspondance et à des tests de situation, méthodes de recherche consistant à déposer simultanément les dossiers de deux candidats locataires en tout point identiques, mais dont l’un présente un marqueur de discrimination, tandis que l’autre n’en présente pas. Environ 22 000 candidatures fictives ont ainsi été soumises en vue de répondre à 11 000 annonces relatives à la mise en location de maisons et d’appartements situés en région bruxelloise. Les résultats de cette enquête menée à grande échelle sont extrêmement préoccupants, dans la mesure où ils confirment que les agences immobilières bruxelloises se livrent fréquemment à des pratiques discriminatoires. L’origine des revenus (perception d’allocations de chômage ou d’un revenu d’intégration sociale) s’avère être le facteur le plus discriminant avec un taux de discrimination de 30 %. La source des revenus est suivie de près par le critère du genre (26 %) et le critère de l’origine ethnique (23 %). Viennent ensuite les critères de l’âge (21 %) et du handicap (16 %). Par ailleurs, les chercheurs de l’Université de Gand ont réalisé des appels mystères ; il s’agit d’une méthode de recherche dans laquelle un propriétaire fictif contacte une agence immobilière pour des renseignements relatifs à la location de son bien et introduit une demande discriminatoire auprès de celle-ci. Les quelques 648 appels mystères effectués démontrent qu’un tiers des agents immobiliers bruxellois sont disposés à répondre favorablement aux demandes discriminatoires émanant des propriétaires. Seule une infime minorité des agents testés refusent catégoriquement de discriminer sur la base du critère de l’origine des revenus (7 %) et sur la base du critère de l’origine ethnique (14 %).
Face à ces constats interpellants, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a pris ses responsabilités et a élaboré durant l’été 2017 un plan d’action visant à lutter contre les discriminations dans l’accès au logement. Ce plan qui mise essentiellement sur l’information et la sensibilisation des agents immobiliers prévoit trois mesures. En premier lieu, le gouvernement va lancer une campagne d’affichage anti-discrimination auprès des agences immobilières, campagne financée à hauteur de 10 000 euros. Dans un article récemment publié dans le quotidien La Capitale, on a appris que dans le courant du mois de février 2018, les 1 300 agences immobilières et agents immobiliers basés en région bruxelloise devraient recevoir des affiches sur lesquelles on peut lire « L’égalité face au logement, c’est
la clé. Ensemble contre la discrimination au logement ». En deuxième lieu, le gouvernement va inviter l’ensemble des agents immobiliers actifs sur le territoire de notre région à participer à un cycle de formation consacré à la lutte contre les discriminations. Un budget de 30 000 euros a été prévu à cet effet. Le programme de cette formation a été élaboré par le gouvernement en collaboration avec Unia (centre interfédéral pour l’égalité des chances) et l’IPI (l’Institut Professionnel des agents Immobiliers). D’après les informations communiquées dans l’article de presse précité, une demi-journée de formation sera organisée le vendredi 27 avril. Les participants assisteront d’abord à une présentation des résultats de l’étude réalisée par l’Université de Gand ainsi qu’à un exposé consacré à un rappel du contenu des législations anti-discrimination. Ils pourront ensuite prendre part à des jeux de rôle et à des mises en situation. Il importe de préciser que les agents immobiliers pouvaient déjà suivre une formation sur les discriminations sur base volontaire, mais qu’en 2017, seule une trentaine d’entre eux s’y étaient inscrits. Gageons que le module de formation mis en place par le gouvernement parviendra à toucher un plus large public. Enfin, en troisième lieu, le plan d’action adopté par le gouvernement bruxellois prévoit qu’à la suite de la campagne d’affichage et du cycle de formation, une nouvelle vague d’appels mystères et de tests de situation sera réalisée afin de déterminer si ces mesures de sensibilisation ont eu pour effet de réduire la fréquence des pratiques discriminatoires sur le marché locatif privé. Une enveloppe de 70 000 à 90 000 euros a été dégagée en vue de financer cette nouvelle enquête. Si cette deuxième vague de testing met à nouveau en lumière de nombreux cas de discrimination au logement, le gouvernement devra probablement adopter une approche plus répressive et infliger des sanctions aux agents immobiliers dont le comportement contrevient aux principes d’égalité et de non-discrimination.
Madame la ministre, je souhaiterais vous poser les questions suivantes :
• Pouvez-vous nous confirmer que la campagne d’affichage anti-discrimination a bien débuté ? Les agences immobilières et les agents immobiliers actifs sur le territoire de notre région sont-ils obligés de placarder ces affiches ou la participation à cette campagne de sensibilisation est-elle purement facultative ? Si l’affichage est obligatoire, des sanctions pourront-elles être infligées aux agences/agents n’ayant pas pris part à la campagne ? Au-delà du slogan dévoilé dans la presse écrite, quel est le message figurant sur ces affiches ? Pourriez-vous nous fournir un exemplaire de ces affiches ?
• Les quelques 1 300 agents immobiliers basés dans notre région sont-ils tenus d’assister à la demi-journée de formation sur la lutte contre les discriminations dans l’accès au logement ou cette formation est-elle facultative ? Si cette formation est obligatoire, les agents immobiliers absents le 27 avril seront-ils contraints de participer à une « session de rattrapage » organisée plus tard dans l’année ? Bien que le programme de la demi-journée de formation semble, de prime abord, assez intéressant, il me paraît un peu léger compte tenu de l’ampleur et de la gravité du phénomène de la discrimination au logement. D’autres jours de cours ont-ils été prévus pour compléter ce cycle de formation ?
• Quand le gouvernement va-t-il lancer la nouvelle enquête sur la discrimination au logement, qui consistera en des tests de correspondance, des tests de situation et des appels mystères ? Cette seconde vague de testing sera-t-elle encore réalisée par les chercheurs de l’Université de Gand ? La méthodologie qui sera utilisée lors de la deuxième vague de l’enquête sera-t-elle en tout point identique à celle employée lors de la première vague ? Madame la ministre, vous avez annoncé que si d’aventure, les résultats de cette nouvelle étude devaient montrer qu’en dépit des mesures de sensibilisation, les agents immobiliers continuaient à discriminer massivement certaines catégories de la population, le gouvernement n’hésiterait pas à
adopter des mesures répressives à l’encontre des auteurs de pratiques discriminatoires. Quelles sanctions le gouvernement infligera-t-il aux agents immobiliers ne respectant pas la législation anti-discrimination ?
• Les diverses mesures adoptées par le gouvernement bruxellois dans le cadre de la lutte contre la discrimination au logement ciblent uniquement les agents immobiliers, mais il importe de garder à l’esprit que de nombreux propriétaires mettent directement leurs biens en location auprès des candidats locataires, sans passer par des intermédiaires. Le gouvernement a-t-il mené, ou envisage-t-il de mener, des actions de sensibilisation à l’intention de ces particuliers qui louent eux-mêmes leurs biens sans faire appel aux services d’une agence immobilière ?
• Pourquoi l’étude réalisée par l’Université de Gand et les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de son plan d’action se concentrent-elles uniquement sur les agences immobilières actives dans le secteur privé à l’exclusion des opérateurs immobiliers publics (communes, CPAS, Sociétés Immobilières de Service Public, Fonds du Logement, etc.), lesquels mettent pourtant eux aussi des dizaines de milliers de logements en location ?
D’avance, je vous remercie pour vos réponses.