Parlement régional
Interpellation adressée à Bianca Debaets, ministre en charge de l’égalité des chances. La réponse est disponible ici.
L’étude sur la violence intrafamiliale et la violence conjugale basée sur l’enquête de santé 2013 – 13 mars 2017.
En novembre 2016, je vous interrogeais sur votre politique générale de lutte contre les violences faites aux femmes. Vous disiez avoir donné mission, à l’Université de Gand de réaliser une étude sur la prévalence et les conséquences de la violence à l’égard des femmes en Région bruxelloise. Nous étions, à cette époque, dans l’attente de la publication du rapport de l’Institut pour l’Egalités hommes-femmes relative aux violences intraconjugales et conjugales qui devait nous apporter une série de données qualitatives sur cette problématique fondamentale.
L’étude est bel et bien parue en ce début d’année. Se basant sur l’Enquête nationale de Santé de 2013 portant sur la population générale en Belgique, qui comporte de nombreuses informations relatives aux victimes de sexe féminin et masculin, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) a collecté et traité les informations relatives à la santé chez les ménages participants. Cette approche spécifique a permis, selon les auteurs de l’étude, « d’avoir une vision détaillée de la situation de santé aussi bien des victimes de violence intrafamiliale et de violence conjugale que des auteurs de ces actes de violence ».
Les principaux thèmes traités dans l’étude de l’IEFH sont les suivants :
- Le lien entre violence intrafamiliale, et la santé physique et mentale des victimes,
- L’utilisation par les victimes des services de santé,
- Le lien entre le fait d’être victime de violence et des facteurs de risque potentiels (consommation de cigarettes, d’alcool ou de drogue),
- L’existence de caractéristiques de nature socio-démographique.
Je suis un peu perdue. Cette étude est-elle celle qui devait être réalisée par l’université de Gand ou bien est-ce une autre ?
Car je suis quelque peu étonnée par la méthodologie de cette étude de l’Institut qui était censée réaliser une étude sur la prévalence et les conséquences de la violence à l’égard des femmes en Région bruxelloise. Or, cette étude fait le lien entre violences et état de santé des victimes et des auteurs. Elle se base sur l’ensemble de la Belgique, ne s’est adressée qu’à des personnes vivant en ménage et les critères de définition retenus ne correspondent pas exactement à ceux sur lesquels se sont accordés, en 2010, l’ensemble des niveaux de pouvoir réunis en Conférence interministérielle pour définir ce qu’est la violence conjugale.
Les résultats de l’étude révèlent qu’en 2013 en Belgique, 1,1 % de la population de 15 ans et plus a été victime de violence intrafamiliale au cours des 12 derniers mois, tandis que 1,3 % de la population de 18-74 ans a été victime de violence conjugale et qu’il n’existe à ce propos aucune différence significative entre les hommes et les femmes. Cela peut notamment s’expliquer par le fait que la forme de violence intrafamiliale et de violence conjugale la plus fréquente est la violence psychologique ou verbale (95 %). Une victime de violence intrafamiliale et de violence conjugale sur trois fait état de violence physique (dont la violence sexuelle).
On n’est guère surpris non plus d’apprendre la corrélation entre violence intrafamiliale/violence conjugale et une détérioration marquée de l’état de santé physique et/ou mental des victimes de violences. Cela se traduit par de grands problèmes psychologiques, des sentiments dépressifs, des troubles anxieux, des pensées suicidaires voire des tentatives de suicide. Également, les victimes consomment plus de médicaments psychotropes et d’antidépresseurs prescrits, consultent davantage des psychothérapeutes ou psychologues, des praticiens d’une médecine non conventionnelle (homéopathe, acupuncteur, chiropracteur, ostéopathe). Il ressort donc de manière assez significative que les victimes ont des dépenses mensuelles moyennes pour les soins de santé plus importantes.
L’étude révèle, en outre, que la violence intrafamiliale et la violence conjugale apparaissent plus souvent à un âge mûr, et plus spécifiquement dans le groupe d’âge des 45-54 ans et que le statut socio-économique (niveau Parlement bruxellois d’instruction, revenus et statut professionnel) n’a aucun effet protecteur contre la violence intrafamiliale et la violence conjugale. La composition de la famille n’a elle non plus pas d’influence sur ces formes de violence.
Dans un article paru dans la DH du 07 février 2017, vous affirmiez néanmoins que les victimes de violences sont souvent en situation de précarité. Bien que des centres d’aide et d’accueil existent, ce constat de la précarité d’une majorité des victimes de violences intrafamiliales, s’il est vérifié, ne fait que conforter le fait que ces personnes n’ont dés lors, trop souvent, ni les moyens de fuir, ni les moyens de se soigner (physiquement ou psychologiquement). Et lorsqu’on lit, dans ce même article que, six plaintes par jour sont enregistrées en Région bruxelloise pour faits de violences conjugales, l’ampleur de la problématique prend toute sa triste dimension.
Pour en revenir aux résultats de l’étude, en termes de prise en charge et de suivi des victimes, le constat est également sans appel. Les victimes s’adressent en premier lieu aux réseaux informels (famille et amis), plutôt qu’à des services formels comme un service médical ou la police. Ainsi, un quart des victimes ne recherchent aucune aide pour de multiples raisons dont la honte, la stigmatisation, etc.
Enfin, l’étude aborde également un aspect souvent ignoré ou moins connu en ce qu’elle fournit des informations sur l’état de santé des auteurs de violences intrafamiliales et/ou conjugales.
A la lumière de ces constats, il est évident que les mesures d’accompagnement spécialisées, l’écoute téléphonique, l’accueil, une aide administrative et sociale, un espace de parole en individuel ou en couple, un groupe d’entraide et de parole pour femmes ; et bien entendu l’hébergement et le suivi post hébergement pour femmes avec ou sans enfant(s) à une adresse confidentielle ; ces dispositifs révèlent toute leur importance ! Enfin, au-delà de l’accueil des victimes, la prévention et la prise en charge des violences conjugales, il faut également promouvoir une approche globale et intégrée et le soutien aux acteurs impliqués sur le terrain.
La violence intrafamiliale a de multiples incidences sur les victimes tant au niveau physique, psychologique, social, qu’économique. C’est donc un véritable problème non seulement de santé publique, mais également, tout simplement un enjeu fondamental de respect de la dignité humaine. L’autorité bruxelloise se doit, dans la limite de ses compétences bien entendu, d’être au premier plan dans la lutte contre les violences intrafamiliales et conjugales.
Madame la Secrétaire d’État, mes questions sont les suivantes :
- Cette étude est-elle celle qui devait être réalisée par l’université de Gand ou bien est-ce une autre ?
- Quel est votre avis sur cette étude et sa méthodologie ? Répond-elle à vos attentes ?
- A la lumière de cette étude, pourriez-vous dresser un bilan des actions menées en matière de lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales ?
- En référence à vos propos tenus dans la DH du 07 février, qu’envisagez-vous afin de protéger les victimes de violences intrafamiliales en situation de précarité ? De plus, les données de l’étude qui affirme que le milieu socio-économique n’a pas d’incidence sur la probabilité de subir des violences conjugales et votre déclaration selon laquelle il s’agit le plus souvent de personnes précarisées se contredisent. Pouvez-vous nous fournir les chiffres sur lesquels vous vous basés ou du moins nous éclairer sur cette contradiction ?
- Où en est l’application des mesures prévues dans le plan d’action national de lutte contre toutes les formes de violence basée sur le Genre et plus spécifiquement les priorités 2 et 3 orientées vers la prévention de la violence et la protection et le soutien des victimes ?
- Je pense entre autres à la prise en charge des enfants exposés aux violences conjugales, à l’obligation faite aux maisons d’accueil d’enregistrer les motifs de l’hébergement, la réflexion visant à l’harmonisation des données récoltées par l’ensemble du secteur dans le cadre du Centre d’appui de lutte contre les violences entre partenaires. En matière de prévention et de sensibilisation, quel est le bilan des dernières campagnes ?
- Serait-il possible de disposer de la liste des d’associations bruxelloises que vous subsidiez en matière de prévention et de la sensibilisation sur cette thématique ?