Parlement francophone bruxellois
Interpellation de Fatoumata Sidibé à Mme Céline Fremault, ministre en charge de l’Action sociale et de la Famille
Concernant « le Plan d’Action National 2014-2019 et les violences sexuelles faites aux femmes » – 20 mai 2016.
La réponse est disponible ici.
La violence sexuelle est une réalité et un sujet encore tabou. C’est aussi un phénomène dont on ignore encore l’ampleur.
En janvier 2014, l’institut de sondage Dedicated a réalisé, sur demande d’Amnesty International et de SOS Viol, une enquête sur les opinions et comportements de la population belge en matière de violences sexuelles. L’enquête a porté sur une population de 2.000 personnes âgées de 18 à 75. Il en résulte que 56% des 2000 personnes sondées connaît au moins une victime de violences sexuelles et 46% est ou a été victimes de violences sexuelles graves.
Cela représente un nombre de victimes nettement plus important que les chiffres officiels.
Par ailleurs, cette enquête a également permis d’établir que, « sur les 910 victimes de violences sexuelles graves interrogées, 40% n’a jamais entrepris de démarches et à peine 16% a porté plainte à la police. Et, certaines victimes ayant entrepris des démarches suite à leur agression ont le sentiment d’avoir été seules (23%), incomprises (18%), dans une situation d’insécurité (10%) ou même que leur situation s’est empirée (7%) ».
Le 14 février 2014, une conférence de presse tenue par le gouvernement belge a mis en évidence les chiffres officiels de violences sexuelles dans la sphère familiale et publique sur le territoire belge. « Ainsi, en 2013, on noterait 689 cas de violences sexuelles intrafamiliales, 2903 viols dans la sphère publique et 195 viols collectifs et ceci, sans compter ce que l’on appelle le chiffre noir et qui désigne les victimes qui ne portent pas plainte. Par ailleurs, 9% des femmes et 3% des hommes auraient été victimes d’attouchements ou d’abus sexuels avant l’âge de 18 ans et 6% des femmes et 1% des hommes ont été victimes de contacts ou de rapports sexuels forcés après l’âge de 18 ans »
Environ 8 viols sont enregistrés par jour, en Belgique. Seule une femme sur dix porte plainte. Une femme sur quatre est violée par son partenaire.
Selon le service de politique criminelle, peu de plaintes conduisent effectivement à une condamnation en Belgique : en moyenne 3000 plaintes annuelles n’entrainent que 400 à 500 condamnations. L’administration de la preuve est très difficile et c’est un long parcours.
Si la prise en charge des victimes doit être multidisciplinaire : médicale, policière et juridique, l’accompagnement psychologique requiert une attention particulière au vu du traumatisme subi.
L’enquête « l’après viol » ou le parcours d’une victime de violence sexuelle en Belgique francophone : « enquête auprès des acteurs de terrain » présentée par Amnesty International en 2014 apporte un éclairage sur les mécanismes de prise en charge et de soutien dont bénéficient les victimes de violences sexuelles dans notre pays. L’enquête met aussi en évidence les difficultés sur le terrain.
SOS Viol « partage l’approche de la directive 2012/29/UE du 25 octobre 2012 en ce qu’elle retient qu’il existe une forte présomption que les victimes de violences sexuelles se voient exposées au risque de victimisation secondaire et que, partant de cette présomption, ces victimes doivent pouvoir bénéficier de mesures de protection spécifique et d’un soutien adapté ».
Il préconise donc de privilégier un accueil différencié des victimes – tenant compte des spécificités de leur situation – et non un accueil standardisé.
SOS Viol attire également l’attention sur un prise en charge et un accompagnement spécifique de tous les groupes minoritaires possibles. Il est crucial de proposer une prise en charge et un accompagnement à la mesure de l’individu.
Un autre point important est la formation des policiers qui devraient être systématiquement formés à l’audition des victimes de violences sexuelles car on sait que la démarche de porter plainte est très ardue. Les victimes devraient pouvoir bénéficier 24h/24 d’une prise en charge spécialisée, optimale et respectueuse qui tient compte des besoins et des attentes de la victime. Sa plainte doit être entendue et actée.
La lutte contre les violences sexuelles passe nécessairement aussi par la sensibilisation. Non pas ponctuelle mais régulière, à destination du grand public et portant aussi sur les services et outils disponibles pour les victimes.
SOS Viol pointe le fait que les campagnes de lutte contre les violences sexuelles sont souvent axées sur le dépôt de plainte et avance que la plainte n’est souvent pas la voie privilégiée par les victimes.
Pour l’association, « il paraîtrait donc opportun de proposer des campagnes plus générales informant sur les différents soutiens possibles (psychologique, social…) et non uniquement axées sur l’aspect judiciaire ».
La sensibilisation passe aussi par la mise à disposition des dépliants sur la problématique des violences sexuelles dans les salles d’attente des médecins traitants, gynécologues mais aussi dans des lieux ciblés.
La généralisation de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) dans les écoles est un levier indispensable dans la lutte contre les violences sexuelles.
Si l’ampleur et la gravité de ce problème sont indéniables, les pouvoirs publics peinent encore à prendre à bras-le-corps ce fléau. On se réjouit que le Plan d’Action National 2014-2019 se soit enfin élargi à la lutte contre les violences sexuelles.
Mes questions sont les suivantes :
· Qu’en est-il du financement et de l’accessibilité d’une ligne SOS Viol accessible 24 heures sur 24 et sept jours sur sept ?
· Qu’en est-il de l’ouverture de la ligne téléphonique violences conjugales aux violences sexuelles, comme annoncé pour la fin de l’année 2015 ?
· Qu’en est-il des campagnes de sensibilisation et de prévention ? Quel bilan ? Quelles sont les prochaines campagnes qui vont être diffusées?
· Qu’en est-il des formations continues pour les secteurs policiers et judiciaires, celles-ci ont-elles été mises en place? De quelle façon?
· Un protocole intitulé « Protocoles de prise en charge des victimes de violences sexuelles à destination des professionnels de la santé et de la justice » a été publié. Comment a-t-il été diffusé et avec quel suivi ?
· De plus, lors de ma dernière interpellation vous aviez stipulé que la ratification de la Convention d’Istanbul n’était pas sans conséquence. En effet, celle-ci prévoit entre autres de créer des centres d’aide d’urgence multidisciplinaires pour les victimes de violences sexuelles. Qu’en est-il de la transposition de cette législation ?
· En lien avec les objectifs du PAN, quelles sont les mesures de soutien médico-psycho-sociaux pour les victimes de violences sexuelles ?
· Quel est le budget alloué par la COCOF à la lutte contre les violences sexuelles ?
· Qu’en est-il de la concertation avec les autres entités fédérées