Interview Vitrine africaine : FATOUMATA Fathy SIDIBÉ, LA FORCE DES IDENTITÉS PLURIELLES
Elle vit dans le plat pays belge depuis 35 ans. Les projecteurs sont braqués aujourd’hui sur une autre représentante de la diversité plurielle africaine présente en Belgique. Fatoumata Fathy Sidibé, femmes à plusieurs casquettes est ce que l’on pourrait appeler une femme de caractère. Et le caractère, lorsque l’on est une femme, de surcroît engagée en politique dans une société où le sexisme perdure, il faut en avoir et surtout le dévoiler. Elle n’en manque pas. Bien au contraire.
De juin 2009 à juin 2014, elle a siégé comme députée au Parlement régional bruxellois pour le groupe politique Fédéralistes Démocrates Francophones (FDF devenu DéFI)). Elle a été présidente de la Commission Affaires Sociales au Parlement Francophone Bruxellois et présidente du groupe des FDF au Parlement Francophone Bruxellois. Suite aux élections régionales du 25 mai 2014, elle siège de nouveau comme députée pour la législature 2014-2019. Elle est également auteure et artiste peintre.
Entretien avec une dame engagée aux parcours multiples, se définissant comme une femme plurielle.
INTERVIEW FATOUMATA SIDIBÉ
Au regard de l’actualité des derniers mois liée à l’afflux des migrations vers l’Europe, une réaction ?
Nous sommes véritablement face à une situation qui nous questionne sur la manière dont l’Europe organise et gère l’accueil des réfugiés. Il faut une répartition contraignante des candidats réfugiés politiques entre Etats membres. Au sein de mon groupe, nous avons toujours plaidé pour répartition obligatoire des réfugiés sur l’ensemble des communes. De plus en plus d’amalgames sont malheureusement rendus sur cette problématique. Si l’Europe accueille un flot important de réfugiés, il est bon de rappeler que, selon l’UNHCR, en 2014, 86 % des réfugiés dans le monde se trouvent dans des pays en développement ! Il faut cesser de jouer sur les peurs et les amalgames. Les motifs pour quitter son pays sont multiples, nombreux sont ceux qui fuient face à la guerre ou aux persécutions. Si on accueille dignement ces nouveaux arrivants et leur donner les possibilités de s’insérer dans la vie économique et sociale, ils ne seront pas un problème mais une solution. Il faut saluer la solidarité d’un grand nombre de citoyens qui ont multiplié les initiatives en faveurs des demandeurs d’asile.
Que faut-il aux communautés africaines de Belgique pour se défendre face aux préjugés ?
La première chose à faire c’est s’organiser autour de ce qui nous uni c’est-à-dire la citoyenneté. Or, le déficit d’organisation est l’épine dans le pied de la communauté africaine depuis plusieurs décennies. Nous n’avons aucun lobby sérieux et fort pour défendre les intérêts communs. Il n’y a pas assez de forces qui convergent les unes vers les autres. Le clivage est tel qu’avant de songer à se défendre il nous faut d’abord penser à décloisonner les différentes communautés. Les politiques utilisent ce clivage et s’en servent pour nous diviser encore plus pour mieux régner. Les extrémistes ajoutent leur couche en divisant les sociétés, créant le chaos organisé. Ainsi se créent peu à peu des communautés et non des citoyens. Au niveau politique, je suis la seule femme subsaharienne au Parlement régional bruxellois.
Le secteur associatif ne peut-il pas servir de bouclier ?
Encore faudrait-il que les associations arrivent toutes à parler d’une même voix. Malheureusement ce secteur est aussi politisé. Le piège de tous ces organismes ? Les subsides pourtant nécessaires mais insuffisants et il faut se partager le gâteau ! Il faut reconnaître le travail, souvent bénévole, réalisé par le monde associatif qui pallie les manquements de certaines politiques d’insertion.
Vous avez un riche parcours personnel…
Je suis entrée en politique il y a 6 ans. Ce n’est moi qui suis allée vers la politique mais la politique qui est venue à moi. On est venu me chercher. J’ai mis un an et demi pour accepter. C’est grâce à un riche parcours personnel que j’ai effectué avant en amont qui m’y a porté. Licenciée en communication sociale et journalisme, j’ai travaillé dans le domaine de la communication, de l’édition, des relations publiques et du social. Comme journaliste free-lance, j’ai collaboré à de nombreux magazines belges et étrangers. J’ai été responsable de projets au Centre régional du Libre Examen de Bruxelles où, outre l’organisation de colloques et de conférences, j’ai mené des études et publications sur la problématique des femmes issues de l’immigration. J’ai collaboré également à des ouvrages collectifs concernant des enjeux de société. Je suis cofondatrice du Comité belge Ni Putes Ni Soumises dont j’ai assuré la présidence jusqu’en février 2009. Dans ce cadre, j’ai lancé et coordonné la publication du Guide belge du respect, un outil pratique pour « construire le vivre ensemble, filles et garçons, égaux en droits et en devoirs » et du Kit du Respect, un outil d’animation pédagogique à destination des structures éducatives et associatives.
Femmes violées en RD. Congo. Depuis 2013 vous êtes présidente de l’association des Femmes FDF (DéFI). En tant que femme, que pensez-vous de l’attitude des médias face à cette injustice ?
Silence assourdissant. C’est à grâce au docteur Mukwege, médecin-directeur de l’Hôpital de Panzi dans le Sud-Kivu, que le silence a été quelque peu été brisé. Il interpelle les dirigeants du monde et secoue les consciences pour briser le silence assourdissant de la communauté internationale et appeler à mettre fin aux atrocités sans nom commises en RD Congo. Mais rien ne bouge réellement. On tue l’Afrique, on massacre l’Afrique, Et les dirigeants africains se taisent dans toutes les langues. Ils sont aux premières loges pour rendre hommage à des morts sur d’autres cieux mais aphones quand il s’agit de se mobiliser pour le continent. C’est d’abord à nos dirigeants de se lever. Si nous savons pleurer les morts des autres, nous avons aussi besoin que le monde entier fasse une minute de silence pour ces horreurs. Ce n’est d’ailleurs pas une minute de silence qu’il faut mais une clameur géante, un concert de révolte : pour toutes les femmes violées, enlevées, mutilées, torturées, l’émigration clandestine, les naufrages des migrants, les drames de l’immigration, aux guerres qui déchirent le continent. Quant aux médias, ils participent à un climat d’indignation sélective.
Vous faites partie des nombreux exemples de réussite pour la jeune diaspora africaine…
Sans doute. Moi, j’ai fait un long mon chemin semé d’embûches. J’ai travaillé dans différents secteurs : privés, associatifs, militante. Je suis auteure, artiste peintre. Tout ce background fait désormais partie de moi, la femme plurielle que je suis aujourd’hui. La chance m’a été donnée à un moment, et j’ai su l’attraper. Vous parlez d’exemple de réussite. La diaspora africaine en Belgique compte beaucoup d’exemples de réussite dans tous les domaines : entreprenariat, innovation technologique et scientifique, enseignement, médical, etc. Il y a des milliers d’autres exemples de réussite africaine qui ne sont pas toujours mises en avant. Il faut les rendre visibles afin d’inspirer la jeunesse. Et puis, il y a une grande différence entre réussir dans la vie et réussir sa vie.
Pour terminer… DÉFI, nouveau nom de votre parti FDF
Le 13 novembre 2015 marque la date du changement officiel de nom parti. Désormais on ne nomme DéFI signifiant « Démocrate Fédéraliste Indépendant ». Le moment était venu de relever un nouveau défi, de se redéployer. Le mot essentiel et clé est « indépendant ». Pourquoi indépendant ? Nous sommes indépendants à l’égard des structures traditionnelles et ne nous situons pas dans le clivage gauche-droite. Depuis notre divorce d’avec le Mouvement Réformateur, nous avons affirmé, au-delà des questions communautaires et institutionnelles, nos spécificités au niveau socio-économique. Nous sommes des libéraux sociaux qui défendons la justice sociale, l’esprit d’entreprise, la laïcité de l’État.
Lien internet pour en savoir davantage sur son parcours, sa biographie, ses œuvres et activités extrapolitiques :