Commission communautaire commune
Interpellation de Mme Fatoumata SIDIBE, Députée bruxelloise DéFI, à Mme Céline Fremault et M. Pascal Smet, Membres du Collège réuni, chargés de la politique de l’Aide aux personnes, des Prestations familiales et du Contrôle des films. La réponse est disponible ici.
Concerne : La prise en compte de la dimension interculturelle du vieillissement. 20 janvier 2016.Notre société est confrontée au défi du vieillissement. A l’instar de l’ensemble de la population belge, on assiste aussi à une tendance au vieillissement de la population d’origine étrangère. Contrairement à ce qu’ils pensaient ou souhaitaient, la plupart des personnes vieillissantes issues de l’immigration ne vont pas rentrer dans le pays d’origine pour y couler leurs vieux jours. Le vieillissement des personnes d’origine étrangère, est un phénomène difficile à chiffrer et qui apparaît de plus en plus dans le champ des interrogations tant des personnes concernées que des professionnels de l’aide et des soins, des associations, des chercheurs, des politiques.
On peut parler en quelque sorte d’invisibilité et c’est pour cela qu’il avoir une photographie précise de la population du pays afin d’objectiver au mieux le phénomène de vieillissement de la population issue de l’immigration. Cette population est très hétérogène présente des profils très différents. Les chiffres qui ressortaient des tableaux de bords de la Région bruxelloise au début de la législature précédente laissaient prévoir une augmentation importante des personnes d’origine étrangère dans la population âgée pour les prochaines années. Les besoins des personnes d’origine étrangère sont en partie semblables à ceux des autres personnes âgées : autonomie, besoins d’aide et de soins à domicile, besoin d’hébergement, en loisirs. Lors de la précédente législature, néanmoins, le ministre compétent affirmait que les différences culturelles n’étaient pas sans influence sur l’expression de des besoins et l’appel aux services professionnels. On constatait également une évolution générationnelle défavorable quant à la prise en charge intrafamiliale, renforçant certaines formes d’isolement.
La plupart des personnes susceptibles d’intégrer une structure d’accueil adéquate sont en pleine improvisation. Elles ne savent pas ce qui existe au niveau des mutuelles, des possibilités de compensation de salaire pour les aidants proche, les aspects concrets de la prise en charge à domicile. Il faut développer et encourager les initiatives qui visent à informer les groupes cibles, ainsi que le tissu associatif qui travaille à cet effet. Mais concrètement, que font les pouvoirs politiques ? Bien entendu, chacun souhaite vieillir chez soi, entouré des siens. Quand c’est possible. Face à l’hétérogénéité de la population vieillissante, de nombreuses offres ont vu le jour : la Maison de Repos, Maison de Repos et de soins, Résidence Service, centre de soins de jour, centre de court séjour, seniors, accueil de jour. En Belgique, environ 21% des plus de 80 ans vivent en institution. Une majorité de personnes de plus de 80 ans vivent encore chez elles en faisant parfois appel à des services d’aide et de soins à domicile. Même après 85 ans, une minorité vit en institution. Les résidents des maisons de repos sont par conséquent des personnes très âgées, et l’on observe une tendance à l’augmentation de la moyenne d’âge. Il y aurait très peu de demandes de personnes d’origine étrangère en maison de repos. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas. Comme il y a peu de demandes, la question ne préoccupe pas vraiment la majorité des directeurs de maisons de repos. Il s’en suit une réflexion lacunaire, peu de recul, peu de vision et donc peu de préparation à l’accueil de personnes âgées de culture différente.
Notons que si la maison de repos est très peu métissée aujourd’hui, de par ses habitants, elle l’est cependant très largement dans ses équipes de personnel. Les maisons de repos disposent cependant d’un atout de taille: la mixité de leurs équipes.
Que l’on soit belge d’origine ou d’origine étrangère, il est difficile d’accepter les limites d’une situation et de se tourner vers la sphère institutionnelle pour demander de l’aide et risquer peut-être de voir son intimité dévoilée, ses habitudes contrariées.
La Déclaration de politique générale du Collège réuni annonçait son intention d’améliorer la qualité de vie en maison de repos à travers une participation accrue des personnes âgées au fonctionnement et à l’organisation de celles-ci et de veiller au respect effectif du droit du résident. Plus spécifiquement, il était annoncé que des moyens seraient dégagés pour poursuivre l’amélioration de la participation des personnes âgées aux structures et services qui les concernent et pour développer des activités spécifiques d’intégration sociale, incluant les activités intergénérationnelles telles que les potagers collectifs, les maisons kangourous, etc. Enfin, certains besoins spécifiques devaient être rencontrés, parmi lesquels la prise en compte de la diversité culturelle, religieuse, philosophique, et liés à l’orientation sexuelle.
Je partage ces ambitions, et pour cause : de plus en plus de voix s’élèvent au sein des populations d’origine étrangère pour dire que les maisons de repos ou autre ne mettent pas grand-chose en place pour répondre à leurs besoins et attentes. Les personnes vieillissantes se sentent dénudés de leur identité, de leur culture. Ces personnes âgées ont contribué à l’essor économique de la Belgique et ont le droit de vieillir dans le respect de leur dignité. Après cinquante ans d’immigration, il est temps de respecter cette dignité. Il faut passer à la vitesse supérieure, trouver des réponses concrètes pour la prise en compte de la dimension culturelle et cultuelle dans les maisons de repos. Bien sûr, les communautés peuvent s’organiser et aller chercher des fonds privés et cela va se faire, mais il faut que les responsables politiques assument leurs responsabilités.
Les structures d’accueil (maisons de repos, maisons de repos et de soins, …) doivent mieux prendre en compte la diversité des résidents. Cette meilleure prise en compte passe par la possibilité de choisir une nourriture adaptée, par la mise à disposition d’un espace multiconfessionnel, …. Il y a eu un projet pilote de madame Yvonne Simeone, initié à la bonne maison Bouzanton à Mons ; un projet qui intègre le travail en réseau, la formation du personnel soignant, la sensibilisation vers les gestionnaires, les directions et le personnel mais aussi vers les autres résidents, la possibilité d’être accueilli dans sa langue d’origine, un plan de formation l’interculturalité des structures de soins à domicile, des services sociaux, des hôpitaux, le travail avec les familles, un guide de bonnes pratiques.
A côté de l’offre institutionnelle classique, il y a donc des pistes de solutions et les projets innovants d’économie sociale qui sont impulsés afin de permettre la création de nouveaux lieux de vie pour accompagner dignement les personnes vieillissantes, qu’elles soient migrant(e)s ou Belges d’origine et ce, dans le respect de la diversité et des besoins de chacun. Avez-vous connaissance de ce projet ?
Enfin, je voudrais terminer en rappelant que le Comité Européen sur les Migrations du Conseil de l’Europe recommande aux Gouvernements, dans son rapport du 12 janvier 2011, de procéder à une évaluation globale de la situation des migrants âgés dans les Etats membres et de prendre des mesures appropriées aux niveaux national, régional et local visant à promouvoir leur bien être y compris la prévention des abus à leur égard et la réduction de leur vulnérabilité, isolement social et marginalisation.
C’est pour cela que je voudrais vous soumettre les questions suivantes :
Un « Plan santé seniors » avait été annoncé lors de la législature précédente. Qu’en est-il à ce jour ?
Quelle est l’approche de votre cabinet en la matière ? Quelles sont les pistes privilégiées dans l’approche du vieillissement des migrants ?
Avez-vous des données chiffrées concernant les populations vieillissantes d’origine étrangère en Belgique et à Bruxelles ? Qui sont-elles ? D’où viennent-elles ? Quels profils présentent-elles ? Quels sont leurs besoins ? Les données disponibles sont-elles ventilées par sexe ? Quelles sont les dernières études menées ?
Quelles sont les associations subsidiées qui travaillent dans le secteur de l’information, l’accueil, l’accompagnement des populations vieillissantes d’origine étrangère ?
Quelles sont les initiatives menées pour sensibiliser et informer les familles, ainsi que les personnes âgées sur les services et structures d’accueils existants ?
Avez-vous des données concernant les populations d’origine étrangère présentes dans les maisons de repos ? Y a-t-il des difficultés particulières relatives à la gestion de la diversité ?
Existe-t-il des maisons de repos qui offrent des services répondant aux spécificités des populations d’origine étrangère ?
Avez-vous connaissance du projet de la bonne Maison Bouzanton ? Avez-vous connaissance de projets similaires en Région bruxelloise ?
Avez-vous connaissance de projets visant à la création de structures d’accueil spécifique pour personnes d’origine étrangère ? Si oui, les soutenez-vous
Qu’en est-il des formations dans les maisons de repos ?
Quelles sont les concertations entre les différentes entre la Cocom et la Cocof? Entre les différentes entités fédérées ?