La sensibilisation et la prévention aux mariages gris
Parlement francophone bruxellois
Question écrite de Mme Fatoumata SIDIBE, Députée bruxelloise FDF, à Madame Céline Préault, Ministre, chargée de l’Action sociale et de la Famille, du Sport. Concerne : La sensibilisation et la prévention aux mariages gris. La réponse est disponible ici.
La problématique des mariages gris est de plus en plus présente dans l’actualité. C’est un sujet sensible et complexe. Il touche à la fois à l’intime et à la question de l’immigration, du regroupement familial. Il est dit que ce phénomène prend de l’ampleur en Belgique mais également au sein de l’union européenne.
C’est un phénomène qui crée des drames et de grandes souffrances chez les victimes.
Contrairement au mariage blanc, un contrat financier entre deux personnes absolument lucides sur le fait qu’elles fraudent l’institution matrimoniale, le mariage gris est une escroquerie sentimentale.
Le mariage gris est employé par les victimes pour décrire un mariage frauduleux, une arnaque aux sentiments mise en œuvre pour obtenir un titre de séjour. On parle de mariage « gris » quand l’une des personnes avait une intention réelle et sincère de vie commune et s’est fait « avoir » par l’autre, qui elle n’avait pour but que l’intention d’obtenir une carte d’identité. C’est une escroquerie sentimentale.
L’un est de bonne foi et nourrit de réels sentiments alors que l’intention de l’autre n’est manifestement pas la construction d’une communauté de vie durable, mais uniquement d’obtenir un avantage en matière de séjour, lié au statut d’époux ou d’épouse.
Le mariage a été conclu uniquement à des fins migratoires par la personne de nationalité étrangère ou pour obtenir des avantages liés au séjour en termes d’accès à la nationalité, de régularisation ou de regroupement familial. La victime est manipulée, utilisée par le conjoint étranger qui lui ne s’intéresse qu’aux papiers. C’est un phénomène difficile à détecter car les personnages sont dénués de tout scrupule et prêts à jouer la comédie de l’amour le temps nécessaire.
Quand la manipulation et la tromperie poussent à faire un enfant, on parle de « bébés-papiers ». Outre la séparation, il y a la douleur que provoque le fait d’avoir été séduit uniquement pour en tirer un avantage. Il y a aussi des sentiments divers comme la honte, l’humiliation, l’échec, la colère, la peur. Les victimes sont parfois spoliées financièrement.
Si de nombreux abus sont commis en vue de l’obtention d’un titre de séjour, il me semble important et fondamental d’éviter les amalgames, les raccourcis. Il faut trouver un équilibre entre prévention, reconnaissance, protection, défense des victimes, poursuite des auteurs et prévention. Je dis équilibre car il faut éviter que ces drames humains ne soient instrumentalisés et n’entraîne des dérives en matière de séjour et d’accès au territoire.
Attention donc à ne pas associer trop étroitement les mariages avec regroupement familial à des mariages gris. Ce sont des dérives qui ont des conséquences. Je pense notamment aux femmes d’origine étrangère qui ont rejoints leurs époux dans le cadre du regroupement familial, dans l’espoir de fonder une famille et qui se retrouvent parfois confrontées, dès leur arrivée ou progressivement, à des violences ou autre formes d’exactions (coups, séquestrations, esclavage domestique et sexuelle, sévices, confiscation de papiers, dénonciations arbitraires) de la part du conjoint. Cet amalgame accroît la vulnérabilité des femmes face aux auteurs de maltraitances et empêche les femmes migrantes victimes, d’être correctement identifiées et réellement protégées. Les violences conjugales qu’elles subissent ne sont pas forcément interprétées par les autorités administratives comme des violences mais plutôt comme des indicateurs de mariage blanc ou gris.
Les mariages gris, touchent à l’intime, aux sentiments. Il est très difficile pour les victimes de s’en prémunir. C’est un phénomène qui concerne autant les femmes que les hommes. Quels que soient l’origine sociale et culturelle. Les rencontres se font le tout naturellement ici en Belgique ou sur les réseaux sociaux, durant les vacances, mais aussi via des filières organisées. Les mariages gris peuvent être célébrés en Belgique, ou à l’étranger. Le phénomène est encore méconnu chez le grand public, les échevins, les policiers.
En Belgique et en région bruxelloise, une seule association œuvre spécifiquement contre les mariages gris. Il s’agit de l’asbl Cœurs Piégés, créée en 2012. Elle a pour but le soutien, le conseil, la défense, la représentation et le regroupement des victimes de toute escroquerie sentimentale ou financière à caractère migratoire : mariage simulé, gris, cohabitation de complaisance ou frauduleuse, bébés-papiers, etc.
Il y a donc une nécessité de sensibilisation, d’information et de prévention. Nécessité aussi d’informer et de prévenir les victimes potentielles, d’accompagner toutes celles et tous ceux qui seraient victimes de cette fraude sentimentale.
Par conséquent, Madame la Ministre, pourrait-il répondre aux questions suivantes :
Mes questions sont les suivantes :
- Avez-vous des données concernant l’ampleur du phénomène ?
- Quelles sont les mesures de sensibilisation prévues pour informer et prévenir les victimes potentielles? Qu’en est-il de la formation des policiers, des échevins ? Quelles sont les actions de sensibilisation envisagées par la Cocof ?
- Quelles sont les collaborations prévues entre les communes et les entités fédérées ?
Je vous remercie pour vos réponses
Fatoumata Sidibé