Parlement Région de Bruxelles-capitale
Interpellation de la députée Fatoumata Sidibé à Monsieur Rudy VERVOORT, Ministre-Président en charge des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, de la Fonction publique, de la Recherche scientifique, du Port de Bruxelles et de la Propreté publique. La réponse est disponible ici.
Concerne : Le projet de musée de l’immigration définitivement dans les cartons ? – 22 avril 2015
Monsieur le ministre,
Depuis 2001, le projet d’un musée de l’immigration est un long feuilleton qui a connu des rebondissements pour finalement tomber en léthargie.
Aujourd’hui, plus que jamais, il est temps de le réveiller. A l’heure où le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, doute de la « valeur ajoutée » de certaines diasporas, classifiant, jugeant certains à l’aune de leurs origines, à l’heure où certaines déclarations xénophobes se banalisent, à l’heure où il s’agit non plus seulement de vivre ensemble, mais de mieux vivre ensemble et de faire société ensemble, il est temps de montrer par l’exemple que les immigrés sont des citoyens à part entière et qu’à des moments différents de l’histoire, ils ont contribué et continuent à apporter une plus-value économique pour les économies des pays d’accueil.
Les immigrés ne sont pas des OVNIS qui ont posé leurs soucoupes volantes sur le territoire belge. Ce ne sont pas des corps étranger. Ils font partie de l’histoire de la Belgique. Que ce soit à travers l’histoire tumultueuse des colonisations, l’histoire de l’immigration liée à l’histoire du travail, à l’appel massif au lendemain de la Seconde Guerre mondiale d’une main d’œuvre étrangère qui vient particulièrement travailler.
Aujourd’hui, et malgré les discriminations, leurs enfants, leurs petits-enfants et de nouveaux migrants ils investissent tous les pans de la société et contribuent à notre économie et à notre culture
Ces derniers mois, en Belgique et ailleurs, violents attentats qui nous ont secoués ont obligé les décideurs politiques à remettre l’ouvrage sur le métier : la question du « vivre-ensemble » dans nos sociétés.
A ce propos, un article du quotidien La Libre en date du 16 février 2015 pose la question : « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? ». Comme vous le savez, à la suite du raid antiterroriste mené à Verviers en date du 15 janvier 2015, le CRVI (Centre régional de Verviers pour l’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère) a organisé peu après une table ronde réunissant 130 Verviétois et parmi ceux-ci des représentants de police, du monde politique, associatif, de la Ville, du CPAS ou de la communauté musulmane. Quant à la batterie de pistes intéressantes proposées, j’en retiens une essentielle : un musée de l’histoire de l’immigration. Projet qui n’est pas étranger à notre assemblée !
Monsieur le ministre, au regard de cette actualité brulante, l’opportunité de ce projet doit être interrogée.
Pour rappel, ce projet fut souvent débattu. Nous avions les cartes en main. Ce projet avait d’ailleurs été inscrit au budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles par le passé. Nous avions pour mission de le finaliser. Mieux que moi, l’historienne Anne MORELLI résume ma pensée : « Un projet dès le départ mal ficelé, des politiques peu enthousiastes voire franchement hostiles, une communauté scientifique peu sollicitée… En l’espace de dix ans (2001 – 2010), le projet de musée de l’immigration a été pensé, programmé… et sera finalement jetés aux oubliettes ».
Aujourd’hui, force est de constater que de nombreuses villes d’Europe disposent d’un « musée de l’immigration ». A titre d’illustration, nous pensons à l’inauguration récente de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration inaugurée en France.
A Bruxelles, il est un comble de ne pas en disposer en raison de notre position géographique stratégique (au cœur de l’Europe) et du cosmopolitanisme prégnant de notre région ainsi que de l’histoire des flux migratoires de notre pays. Nous ne pouvons pas non plus occulter l’Histoire coloniale.
Il nous fait défaut à Bruxelles d’un musée en charge de retisser notre mémoire au regard de l’histoire de l’immigration, richesse fondamentale dont nous ne pouvons pas faire fi. Ce projet ne peut être que salutaire pour repenser (repanser) les valeurs communes qui nous animent dans notre société.
Qu’en est-il de ce projet d’un musée en charge de rassembler, de sauvegarder, de mettre en valeur et de rendre accessibles les éléments relatifs à l’histoire de l’immigration et de permettre ainsi la reconnaissance du parcours de toutes les populations immigrées dans la société belge et de faire évoluer les regards et les mentalités sur les immigrations ? Peut-on aujourd’hui se passer d’un tel projet ?
Cette histoire de l’immigration, indissociable de la construction de la Belgique, doit être admise comme patrimoine commun. Nous devons absolument réaliser ce travail symbolique sur ce qui définit le patrimoine commun et la culture légitime. Sur le long terme, il faut que la question de l’immigration devienne un thème culturel légitime et ayant droit de cité, lequel ne souffrirait les affres des manœuvres politiques. Cela pose la question de qui le mettrait en place et donc avec quels yeux et interprétations, quelle communauté scientifique, qui y serait associé. …
Gandhi disait « Ce qui est fait pour nous sans nous est fait contre nous »
En juin 2013, le secrétaire d’Etat Rachid Madrane, en réponse à une interpellation annonçait, et je cite « le gouvernement de Bruxelles-Capitale a même décidé, à l’issue du séminaire d’Ostende des 24 et 25 mai derniers, de créer ce musée sous l’appellation « Maison de la diversité » et d’entamer dès à présent, toutes les démarches utiles pour rendre opérationnel ce projet dans les meilleurs délais. La volonté politique d’avancer sur ce dossier est largement démontrée ».
Monsieur le ministre, mes questions sont les suivantes :
Monsieur le Ministre, mes questions sont les suivantes :
– Le projet de musée de l’immigration est-il définitivement dans les cartons ? Va-t-il être remplacé par un ersatz de « Maison de la diversité » ?
– Quel est l’avenir de ce projet et de la reconnaissance de l’immigration comme thème culturel légitime ?
– Des partenariats avec les autres entités sont-ils prévus pour débattre de ce projet et le mener à bien ?