Interpellation de Mme Fatoumata Sidibé, Députée bruxelloise FDF, à Mr. Christos Doulkeridis, Secrétaire d’Etat en charge du logement, lors du 2ème parlement des femmes – 17 décembre 2013. La réponse est disponible ici.
Concerne : La problématique de la pénurie de logements pour familles nombreuses.
Monsieur le Ministre,
Ce n’est pas nouveau, en région bruxelloise, il y a un manque cruel de logements pour les familles nombreuses à bas ou modestes revenus. Début 2010, 30.000 ménages étaient en attente d’un logement social. 15% des demandes concernaient des logements 3 chambres. Or, ces habitations représentent 22% des biens occupés dans le patrimoine existant. Mais ce manque se fait surtout ressentir pour les 4 chambres et plus, puisque l’on constate 11% de demandes alors que le patrimoine n’en compte que 4%.
Force est de constater qu’un grand nombre de familles nombreuses à revenus modestes rencontrent donc des difficultés pour trouver une habitation salubre et accessible financièrement. L’offre en logements sociaux demeure insuffisante et, dans le privé, les biens de ce type sont rares et trop chers pour le public ici visé.
Les travaux de rénovation structurelle interviennent également dans la diminution de l’offre de grands logements puisque, entre 1989 et 2007, on note une régression totale de 858 logements pour les 3 chambres et plus pour cause de travaux.
Bruxelles se caractérise par ailleurs par un accroissement de sa population, un flux migratoire ainsi que l’éclatement des ménages. Les familles monoparentales, en majorité des femmes seules, représentent un public particulièrement fragile dans le domaine de l’accès à un logement décent et abordable.
Les familles nombreuses sont également susceptibles d’être victimes de discriminations de la part de certains propriétaires qui ne souhaitent pas louer à de grands ménages. Mais cette discrimination n’a malheureusement pas lieu que dans le privé. En effet, certaines sociétés de logements préfèrent garder des biens beaucoup trop grands par rapport au nombre de personnes qui y vivent, de peur de voir s’installer des familles d’une certaine origine dans leur patrimoine !
Suite à cette déplorable constatation, les politiques ont décidé de modifier l’arrêté locatif qui doit, toutefois encore, franchir le cap du gouvernement avant d’entrer en vigueur.
Jusqu’à présent, une société de logements sociaux pouvait inciter un ménage à changer d’appartement en cas de modification de sa composition : un couple dont les deux enfants ont quitté le foyer n’a plus besoin d’un logement de trois chambres, par exemple. C’est ce qu’on appelle les mutations dans le jargon du secteur.
Mais ces mutations n’étaient pas obligatoires. Elles le deviendront bientôt dès qu’un ménage laissera plus de deux chambres vacantes. Ce caractère obligatoire doit être imposé afin d’éviter les dérives citées ci-dessus.
Aux situations déjà évoquées, s’ajoute le problème de la sous-occupation des logements dans le parc public due à des problèmes de gestion ou encore à des règles particulières d’attribution. Il n’est pas étonnant de constater que certaines familles nombreuses peuvent patienter jusqu’à dix années pour obtenir un logement social.
C’est pourquoi, bon nombre de ménages, répondant pourtant aux critères d’éligibilité, ne se donnent même plus la peine de s’inscrire sur les listes des sociétés immobilières de service public, tant ils sont découragés par la lenteur avec laquelle les demandes sont résorbées.
Lorsqu’elles trouvent enfin un logement, les familles nombreuses défavorisées sont trop souvent contraintes de diminuer leurs attentes en matière de confort ou de superficie, et se retrouvent parfois dans des conditions de salubrité inacceptables qui ne permettent pas l’épanouissement familial et personnel.
Plusieurs études ont pourtant déjà démontré que cette situation n’était pas sans conséquences sur la santé ou encore sur la réussite scolaire des enfants. L’état de santé de la population est malheureusement lié aux niveaux socioéconomiques.
Les inégalités sociales sont donc un facteur déterminant de la santé : le niveau d’instruction, l’accès à un emploi non précaire et à un habitat de qualité déterminent l’état de santé de la population.
Le logement représente donc un enjeu de taille lorsque l’on veut améliorer les conditions de vie des familles, leur permettre de participer à la vie sociale et culturelle et offrir un avenir à leurs enfants.
Malheureusement, au vu de rapports traitant de la pauvreté, il est évident que la rotation locative va encore davantage s’affaiblir. Le logement social n’est de ce fait plus un ascenseur social ou un tremplin vers de meilleures et nouvelles conditions de logement, mais plutôt, pour beaucoup, un terminus.
Compte tenu de toutes ces informations, les politiques ont mis en place différentes mesures.
En effet, à défaut de repousser les murs des appartements, un assouplissement de la législation actuelle permettrait aux familles d’occuper des appartements convenables, au lieu de vivre dans des taudis, en attendant de disposer de logements adaptés. Il faudra juste se serrer un peu plus…
Afin de répondre à cette demande de terrain, le Gouvernement, va modifier l’arrêté locatif de 1996, qui permet de loger des familles dont le nombre de chambres est inférieur au nombre d’enfants et ce, en augmentant l’âge des enfants partageant leur chambre. Ainsi, une chambre suffira pour les enfants du même sexe ayant moins de 18 ans (12 avant), ou pour deux enfants de sexe différent ayant moins de 12 ans (9 avant), pour autant qu’ils ne soient pas handicapés.
De plus, en 2005, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale marquait son accord sur la mise en œuvre du Plan régional du Logement visant à produire 5.000 logements dont 3.500 sociaux et 1.500 moyens. Ce plan était effectivement une réponse au manque de logements disponibles sur le territoire de la Région bruxelloise, mais il est très loin d’avoir atteint ses objectifs. En effet, en juin 2013, le nombre total de logements terminés s’élevait à 1.413 (1.048 logements sociaux et 365 logements moyens) soit, 8 ans plus tard, à 3.587 logements de moins que ceux initialement prévus….
Et, bien que le nombre total de logements inscrits au budget du Plan régional du Logement ait été augmenté de 890 unités (soit 5.890 unités au total), dont 4.488 de logements sociaux et 1.402 de logements moyens, force est de constater que le rythme de construction des nouveaux logements ne suffit pas du tout à répondre à la demande, pas plus que la rénovation.
Pour information, et sans doute avez-vous actualisé ses chiffres, 98 logements sont encore en travaux, 353 ont obtenu leur permis d’urbanisme, la demande de permis est en cours d’instruction pour 590 et des demandes de permis sont actuellement en préparation pour les 3.071 restant… Autant dire qu’il y encore du pain sur la planche !
Au vu de ce qui précède, Monsieur le Ministre, voici mes questions :
• Bien que certaines mesures aient déjà été mises en place, force est de constater que cela ne suffit pas. Que comptez-vous faire afin de remédier à cette pénurie de grands logements ?
• Avez-vous des chiffres récents sur l’offre et la demande, aussi bien pour les logements sociaux que les autres et ce, tant au niveau du privé que du public ?
• Le secteur privé est-il sollicité, comment et avec quels résultats ?
Je vous remercie pour vos réponses.
Interpellation de Mme Fatoumata Sidibé, Députée bruxelloise FDF, à Mr. Christos Doulkeridis, Secrétaire d’Etat en charge du logement,lors du 2ème parlement des femmes – 17 décembre 2013. |
Concerne : La problématique de la pénurie de logements pour familles nombreuses.
Monsieur le Ministre,
Ce n’est pas nouveau, en région bruxelloise, il y a un manque cruel de logements pour les familles nombreuses à bas ou modestes revenus. Début 2010, 30.000 ménages étaient en attente d’un logement social. 15% des demandes concernaient des logements 3 chambres. Or, ces habitations représentent 22% des biens occupés dans le patrimoine existant. Mais ce manque se fait surtout ressentir pour les 4 chambres et plus, puisque l’on constate 11% de demandes alors que le patrimoine n’en compte que 4%.
Force est de constater qu’un grand nombre de familles nombreuses à revenus modestes rencontrent donc des difficultés pour trouver une habitation salubre et accessible financièrement. L’offre en logements sociaux demeure insuffisante et, dans le privé, les biens de ce type sont rares et trop chers pour le public ici visé.
Les travaux de rénovation structurelle interviennent également dans la diminution de l’offre de grands logements puisque, entre 1989 et 2007, on note une régression totale de 858 logements pour les 3 chambres et plus pour cause de travaux.
Bruxelles se caractérise par ailleurs par un accroissement de sa population, un flux migratoire ainsi que l’éclatement des ménages. Les familles monoparentales, en majorité des femmes seules, représentent un public particulièrement fragile dans le domaine de l’accès à un logement décent et abordable.
Les familles nombreuses sont également susceptibles d’être victimes de discriminations de la part de certains propriétaires qui ne souhaitent pas louer à de grands ménages. Mais cette discrimination n’a malheureusement pas lieu que dans le privé. En effet, certaines sociétés de logements préfèrent garder des biens beaucoup trop grands par rapport au nombre de personnes qui y vivent, de peur de voir s’installer des familles d’une certaine origine dans leur patrimoine[1] !
Suite à cette déplorable constatation, les politiques ont décidé de modifier l’arrêté locatif qui doit, toutefois encore, franchir le cap du gouvernement avant d’entrer en vigueur.
Jusqu’à présent, une société de logements sociaux pouvait inciter un ménage à changer d’appartement en cas de modification de sa composition : un couple dont les deux enfants ont quitté le foyer n’a plus besoin d’un logement de trois chambres, par exemple. C’est ce qu’on appelle les mutations dans le jargon du secteur.
Mais ces mutations n’étaient pas obligatoires. Elles le deviendront bientôt dès qu’un ménage laissera plus de deux chambres vacantes. Ce caractère obligatoire doit être imposé afin d’éviter les dérivescitées ci-dessus.
Aux situations déjà évoquées, s’ajoute le problème de la sous-occupation des logements dans le parc public due à des problèmes de gestion ou encore à des règles particulières d’attribution. Il n’est pas étonnant de constater que certaines familles nombreuses peuvent patienter jusqu’à dix années pour obtenir un logement social.
C’est pourquoi, bon nombre de ménages, répondant pourtant aux critères d’éligibilité, ne se donnent même plus la peine de s’inscrire sur les listes des sociétés immobilières de service public, tant ils sont découragés par la lenteur avec laquelle les demandes sont résorbées.
Lorsqu’elles trouvent enfin un logement, les familles nombreuses défavorisées sont trop souvent contraintes de diminuer leurs attentes en matière de confort ou de superficie, et se retrouvent parfois dans des conditions de salubrité inacceptables qui ne permettent pas l’épanouissement familial et personnel.
Plusieurs études ont pourtant déjà démontré que cette situation n’était pas sans conséquences sur la santé ou encore sur la réussite scolaire des enfants. L’état de santé de la population est malheureusement lié aux niveaux socioéconomiques.
Les inégalités sociales sont donc un facteur déterminant de la santé : le niveau d’instruction, l’accès à un emploi non précaire et à un habitat de qualité déterminent l’état de santé de la population.
Le logement représente donc un enjeu de taille lorsque l’on veut améliorer les conditions de vie des familles, leur permettre de participer à la vie sociale et culturelle et offrir un avenir à leurs enfants.
Malheureusement, au vu de rapports traitant de la pauvreté, il est évident que la rotation locative va encore davantage s’affaiblir. Le logement social n’est de ce fait plus un ascenseur social ou un tremplin vers de meilleures et nouvelles conditions de logement, mais plutôt, pour beaucoup, un terminus.
Compte tenu de toutes ces informations, les politiques ont mis en place différentes mesures.
En effet, à défaut de repousser les murs des appartements, un assouplissement de la législation actuelle permettrait aux familles d’occuper des appartements convenables, au lieu de vivre dans des taudis, en attendant de disposer de logements adaptés. Il faudra juste se serrer un peu plus…
Afin de répondre à cette demande de terrain, le Gouvernement, va modifier l’arrêté locatif de 1996, qui permet de loger des familles dont le nombre de chambres est inférieur au nombre d’enfants et ce, en augmentant l’âge des enfants partageant leur chambre. Ainsi, une chambre suffira pour les enfants du même sexe ayant moins de 18 ans (12 avant), ou pour deux enfants de sexe différent ayant moins de 12 ans (9 avant), pour autant qu’ils ne soient pas handicapés.
De plus, en 2005, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale marquait son accord sur la mise en œuvre du Plan régional du Logement visant à produire 5.000 logements dont 3.500 sociaux et 1.500 moyens. Ce plan était effectivement une réponse au manque de logements disponibles sur le territoire de la Région bruxelloise, mais il est très loin d’avoir atteint ses objectifs. En effet, en juin 2013, le nombre total de logements terminés s’élevait à 1.413 (1.048 logements sociaux et 365 logements moyens) soit, 8 ans plus tard, à 3.587 logements de moins que ceux initialement prévus….
Et, bien que le nombre total de logements inscrits au budget du Plan régional du Logement ait été augmenté de 890 unités (soit 5.890 unités au total), dont 4.488 de logements sociaux et 1.402 de logements moyens, force est de constater que le rythme de construction des nouveaux logements ne suffit pas du tout à répondre à la demande, pas plus que la rénovation.
Pour information, et sans doute avez-vous actualisé ses chiffres, 98 logements sont encore en travaux, 353 ont obtenu leur permis d’urbanisme, la demande de permis est en cours d’instruction pour 590 et des demandes de permis sont actuellement en préparation pour les 3.071 restant… Autant dire qu’il y encore du pain sur la planche !
Au vu de ce qui précède, Monsieur le Ministre, voici mes questions :
·Bien que certaines mesures aient déjà été mises en place, force est de constater que cela ne suffit pas. Que comptez-vous faire afin de remédier à cette pénurie de grands logements ?
·Avez-vous des chiffres récents sur l’offre et la demande, aussi bien pour les logements sociaux que les autres et ce, tant au niveau du privé que du public ?
·Le secteur privé est-il sollicité, comment et avec quels résultats ?
Je vous remercie pour vos réponses.
Fatoumata Sidibé
Le 5 novembre 2013
[1] explique Christos Doulkeridis (secrétaire d’Etat au Logement) : http://www.rtbf.be/info/regions/detail_logements-sociaux-a-bruxelles-plus-specialement-une-chambre-par-enfant?id=7974144