Parlement francophone bruxellois
Question orale de Mme Fatoumata SIDIBE, Députée bruxelloise FDF, à M. Rachid MADRANE, Ministre, chargé de la Formation professionnelle, de la Culture, du Transport scolaire, de l’Action sociale, de la Famille, du Sport et des Relations internationales.
Concerne : Les actions de sensibilisation au mariage gris. La réponse est disponible ici.
La problématique des mariages gris est de plus en plus présente dans l’actualité. Ils seraient de plus en plus nombreux en Belgique.
Si les motifs qui poussent les personnes à abuser de la bonne foi et de l’amour d’une personne pour contracter un mariage sont nombreux, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit là d’un phénomène qui crée des drames et de grandes souffrances chez les victimes. L’un est de bonne foi et nourrit de réels sentiments alors que l’intention de l’autre n’est manifestement pas la construction d’une communauté de vie durable, mais uniquement d’obtenir un avantage en matière de séjour, lié au statut d’époux ou d’épouse. Le mariage a été conclu uniquement à des fins migratoires par la personne de nationalité étrangère ou pour obtenir des avantages liés au séjour en termes d’accès à la nationalité, de régularisation ou de regroupement familial.
Contrairement au mariage blanc où les deux personnes sont absolument lucides sur le fait qu’elles fraudent l’institution matrimoniale, le mariage gris est vicieux et fait de vraies victimes. Outre la séparation, il y a la douleur que provoque le fait d’avoir été séduit uniquement pour en tirer un avantage. Ce type de mariages à des fins migratoires dits gris est une escroquerie sentimentale.
D’après des chiffres présentés par le gouvernement Fédéral, en 2011, le bureau de recherches de l’Office des étrangers a enregistré 10 728 signalements et a refusé de délivrer un visa à 882 personnes en raison d’un mariage de complaisance et à 743 personnes à propos desquelles le parquet menait une enquête.
Au niveau de la cellule fraude du même Office, cette dernière a retiré le permis de séjour à 116 étrangers condamnés pour un mariage de ce type.
Actuellement, un projet de loi modifiant le Code Civil, le Code pénal, le Code judiciaire, la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers et la loi du 31 décembre 1851 sur les consulats et la juridiction consulaire, en vue de la lutte contre les mariages de complaisance et les cohabitations légales de complaisance, est pendant à la Chambre.
Une série de dispositions sont prévues telles que l’introduction dans le code civil de la notion de cohabitation de complaisance ainsi que la notion de pénalisation de la cohabitation forcée et le renforcement des peines d’emprisonnement et des amendes prévus dans le Code pénal à l’égard des auteurs de mariages et de déclarations de cohabitation légale forcés , etc.
Si de nombreux abus sont commis en vue de l’obtention d’un titre de séjour, il me semble important et fondamental d’éviter les amalgames, les raccourcis. Je voudrais en cela attirer l’attention sur les situations dramatiques des personnes, généralement des femmes épouses de Belges, Européens ou étrangers qui ont rejoints leurs époux dans le cadre du regroupement familial, dans l’espoir de fonder une famille ou de construire ensemble une vie meilleure et qui se retrouvent parfois confrontées, dès leur arrivée ou progressivement, à des violences ou autre formes d’exactions (coups, séquestrations, esclavage domestique et sexuelle, sévices, confiscation de papiers, dénonciations arbitraires) de la part du conjoint. Ces violences ne sont pas forcément interprétées par les autorités administratives comme des violences mais plutôt comme des indicateurs de mariage blanc ou gris.
Je me fais en cela l’écho du collectif ESPER (Epouses Sang-Papiers En Résistance) qui revendique « Une remise en cause de la propagande actuelle qui associe trop étroitement les mariages par regroupement familial à des mariages blancs ou gris, qui augmentent la dépendance et la vulnérabilité des femmes aux auteurs de maltraitances et nous empêchent, nous, les femmes migrantes victimes, d’être correctement identifiées et réellement protégées ».
En région bruxelloise, la COCOF est à l’initiative, entre autres, de la structuration et de la pérennisation du Réseau mariage et migration, qui est l’opérateur de référence dans le cadre du plan d’action pour lutter contre les unions contraintes.
Dans le milieu associatif, une nouvelle ASBL a vu le jour en juillet 2012 sur le sol bruxellois. Cette dernière vise à se pencher essentiellement sur la lutte contre les mariages dits « gris ».
Le but de mon interpellation n’est pas d’ouvrir le débat sur le renforcement du contrôle de l’immigration, mais d’attirer l’attention sur la nécessité d’informer et de prévenir les victimes potentielles, d’accompagner toutes celles et tous ceux qui seraient victimes de cette fraude sentimentale. Les victimes, souvent naïves devant les promesses d’amour éternel, ressortent épuisées nerveusement, sentimentalement et financièrement de ce jeu de dupes qui touche les hommes et les femmes quelles que soient leurs appartenances culturelles, religieuses, ethniques, sociales. Il faut briser le silence sur cette dramatique réalité. L’information et la sensibilisation me semblent êtres des armes incontournables pour prévenir ce phénomène.
Par conséquent, Monsieur le Ministre, pourrait-il répondre aux questions suivantes :
– Avez-vous eu l’occasion de vous pencher sur ce phénomène ?
– Quelles sont les mesures de sensibilisation prévues pour informer et prévenir les victimes potentielles?
– Quelles sont les collaborations prévues entre les communes et les entités fédérées ?