Le vendredi 14 décembre 2012
Parlement Francophone Bruxellois – Débat budgétaire. Le compte-rendu est disponible ici.
Le refinancement lié à la sixième réforme de l’Etat est un leurre pour la Cocof puisqu’au final, c’est la Communauté française qui se refinance sur le dos de la Cocof à concurrence de 8 millions d’€ en 2012 et de 12,5 millions d’€ par an à partir de 2013 ! En clair, la Cocof reçoit des moyens supplémentaires du fédéral mais perd des moyens en provenance de la Communauté française. On donne d’un côté ce qu’on reprend d’un autre
Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, Chers collègues,
« Le serpent a beau courir, il ne va pas plus vite que sa tête ». Et c’est pourtant ce qu’on demande à la Cocof. Au moment où nous sommes confrontés à une réforme institutionnelle catastrophique pour les francophones, notre institution doit maintenir le cap sur ses objectifs. Elle est bien seule à la barre car la solidarité intra-francophone est mise à mal. Ce qui est certain, c’est que l’avenir est incertain.
La Cocof continue à souffrir de sous-financement alors qu’elle gère des compétences essentielles. Nous comptions beaucoup sur le refinancement du Fédéral. Les éclaircies ont hélas été de courte durée.
Si les transferts de compétences vont surtout concerner la Région et la Commission communautaire commune, sous prétexte de refinancement par le Fédéral, l’aide de la FWB se réduit à une peau de chagrin, ou plutôt à une peau de Cocof. On demande à la Cocof de faire plus avec moins. Et à défaut de fourmi, la perdrix mange du sable.
Le budget de la Cocof, une fois de plus très étriqué va se concentrer sur trois priorités : l’accueil des primo-arrivants, la formation professionnelle et l’enseignement, la politique d’aide aux personnes handicapées ; tout cela dans un contexte de boom démographique. Il faut dire que si les recettes de la Cocof croit de 21.664 euros (soit 5,76%) par rapport à l’initial 2012, la joie est vite tempérée ; l’augmentation étant due à ;
une prévision d’inflation et d’une croissance du PIB,
l’obtention de la seconde tranche de financement en provenance du Fédéral (16 M)
Le transfert de la Région aux commissions communautaires pour les investissements en infrastructures d’accueil de la petite enfance (9,6 M).
Le soutien du secteur non-marchand par la FWB et la RW. Ce soutien de 1M semble être le rare vestige de la solidarité intra-francophone.
En effet, la dotation complémentaire en provenance de la Fédération Wallonie-Bruxelles est ramenée à zéro (en baisse de 4.500.000 €) pour l’année 2013. Pour rappel, cette dotation s’élevait en 2011 à 12,5 millions d’euros. Au budget 2012, cette dotation était ramenée à 4,5 millions d’€.
A la lecture des montants en provenance du Fédéral et de la Communauté française, on note que le « refinancement » réel de la Cocof est bien moindre qu’annoncé. Il n’est que de 3.5 millions d’€ supplémentaires au budget 2013 !
Qu’est-ce que cela signifie ? Au final, la Communauté française se refinance à concurrence de 8 millions d’€ en 2012 et de 12,5 millions d’€ par an à partir de 2013 ! On donne d’un côté ce qu’on reprend d’un autre. La question qu’on se pose : que reste-t-il de la solidarité intra-francophone ? On aimerait en savoir plus sur le sens du transfert entre la FWB et Région wallonne.
Au niveau des dépenses, « l’effet ciseaux » rend la confection du budget ardue. L’augmentation des barèmes liés aux obligations règlementaires ne sont en effet pas pleinement compensées par des augmentations de recettes correspondantes. Nous déplorons que d’année en année, cet effet ne soit pas pris en compte et redoutons qu’il ne grignote la part déjà insuffisante du financement de notre institution.
Des incertitudes planent également sur la trajectoire budgétaire, étant donné le flou qui règne autour des arbitrages encore en cours au niveau Fédéral. Le financement des compétences usurpées par les entités fédérées, bien que cela ne concerne pas directement notre institution, pourraient avoir des conséquences indirectes. La Cour des comptes attire également l’attention sur la projection pluriannuelle dont les dépenses comportent des risques sérieux de sous-estimation. En effet, il y a des dépenses dont le poids dans le budget Cocof, dans les cinq prochaines années, vont augmenter de manière plus importante que les 2% prévus. Ceci d’autant plus vrai que le décret inclusion n’a pas été budgétisé. Quel sera l’impact financier de ce projet de décret inclusion ? Comment l’intégrez-vous dans la projection pluriannuelle prévue ? La Cocof est le parent pauvre qui bénéficie le moins de la solidarité intra francophone. Cela est d’autant plus vrai que chaque fois que la Région transfère de l’argent, elle le fait sur base de la clé de répartition 80/20 très défavorable aux francophones bruxellois. Il en est de même du droit de tirage. La politique du New deal a mis en évidence que sur 110.000 demandeurs d’emplois inoccupés, 97% sont des francophones. Une clé plus proche de la réalité sociologique permettrait à la Cocof à résorber ses problèmes financiers et à faire face de manière plus concrète aux nombreux défis qu’elle doit relever dans un contexte démographique, économique et social de plus en plus difficile.
La dégradation continue de la trésorerie demeure très préoccupante. La réforme de la comptabilité traîne et ne convainc pas. On peut se demander si la non intégration de la comptabilité de la Cocof dans Walcomfin ne l’écarte-t-elle pas de la FWB ? Et on attend toujours la centralisation de la trésorerie de la Cocof avec Bruxelles Formation. Le retour à l’équilibre est à saluer. Cependant, pour 2013, le budget de la Cocof est en équilibre artificiel car sur les 9,6 M inscrits dans les recettes pour le Plan crèches, seuls 300.000 sont inscrits dans les dépenses.
Les 9.3 M devront être utilisés pour financer les infrastructures crèches. La Cour des comptes attire l’attention que « Cela signifie qu’un ou des exercices futurs devront comporter des dépenses qui ne seront que partiellement couvertes par des dépenses régionales spécifiques ».
Le Ministre peut-il nous reconfirmer que ce budget sera bien utilisé pour la construction de nouvelles infrastructures de crèches ? Comment l’opération sera-t-elle concrétisée ? Une planification est-elle prévue ? Pourriez-vous nous dire le calendrier prévu pour le nouveau décret ? Quelle est la projection pluriannuelle de ce programme ? Les projections démographiques pour l’horizon 2020 démontrent l’urgence de renforcer les investissements dans le secteur de l’accueil de la petite enfance. C’est une condition indispensable en matière de promotion de l’égalité hommes/femmes. Augmenter le nombre de places d’accueil va permettre de favoriser l’insertion socioprofessionnelle des femmes ainsi que la socialisation et l’autonomisation des enfants.
Tous les projets ont-ils été mis en stand-by en 2012 ? Pourquoi refaire des études ? Ne pourrait-on reprendre le plan qui avait été élaboré par la Région bruxelloise ? Des constructions / rénovations de nouvelles infrastructures sont-elles envisagées en 2013 ?
Les montants transférés à la Cocof et à la VGC correspondent à une application de la clé 80/20. Qu’en était-il précédemment dans le cadre du plan crèches prévu par la Région ? Comment se répartissaient les projets « francophones » et les projets « néerlandophones » ? La Cocof n’est-elle pas une nouvelle fois perdante ?
L’administration de la Cocof a plus que besoin d’être modernisée. Nous peinons a avoir des informations quant à l’état du plan de modernisation : informatisation, simplification administrative, nouvelle structure organisationnelle, procédures d’attribution des mandats, etc. Autant d’interrogations qui soulèvent de nombreuses inquiétudes. Où en est la collaboration de la Cocof au sein de l’Ecole Nationale d’Administration créée à la FWB. La seule réponse que nous avons eue est que dans un premier temps, et pour des raisons budgétaires et financières, il faut attendre de voir comment elle se met en place. Nous nous réjouissons du fait que le Collège prévoit la mise en œuvre d’un arrêté relatif à la présence de 5% de personnes en situation de handicap dans ses services. Il faudra, une fois l’arrêté adopté, encourager les agents à être déclarés comme personnes en situation de handicap. Mais également d’ouvrir la fonction publique à des personnes qui n’y sont pas encore. En matière de cohésion sociale, l’accent est mis sur l’accueil des primo-arrivants.
Dès la fin de l’année c.à.d. maintenant, un avant projet sera proposé au Collège et présenté au Parlement dans le courant du 1er semestre. Nous l’attendons avec impatience. Des moyens ont été dégagés : 800 000 euros à l’engagement et 500 000 à l’ordonnancement.
Objectif : renforcer et prolonger les actions menées par les bureaux d’accueil, développer un logiciel informatique de gestion du suivi individuel et de gestion des formations dispensées (modules alpha, FLE et citoyenneté disponibles). Qu’en est-il du critère de répartition entre les communes ? Le nouveau décret favorisera-t-il l’implantation de crèches ? La Communauté française va-t-elle participer au cofinancement de la politique d’accueil des primo-arrivants ? Le renforcement de l’offre de Français langue étrangère et d’alphabétisation est indispensable. A côté des primo-arrivants, il y a des hommes et des femmes qui sont en attente de formation, qui ne parlent pas ou peu le français, ne savent ni lire ni écrire et n’ont que peu de chances de décrocher un emploi. Je réitère ma demande d’avoir les rapports des six bureaux d’accueil pilote. Au niveau de l’action sociale, nous sommes dans la pérennisation des acquis. Ce budget hélas n’augmente pas. Nous nous réjouissons du financement des projets post-hébergement au sein des maisons d’accueil « Rue Verte » et « L’Ilot ». Ces financements seront-ils pérennisés ?
En matière de lutte contre les violences conjugales, nous sommes toujours confrontés à la pénurie de places d’accueil des victimes. Aucune n’augmentation de ces places d’accueil n’est prévu. Même si nous savons que le nœud principal est la crise du logement, il n’en demeure pas moins que nous sommes aujourd’hui dans l’incapacité de répondre aux nombreuses demandes d’accueil en urgence de femmes confrontées à des situations de violences conjugales et intrafamiliales. C’est dramatique, humainement inacceptable. En matière de politique d’égalité des genres, l’an dernier, vous annonciez que vous comptez mettre en place un exercice d’application de l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le processus budgétaire. Comment cela s’est-il concrétisé dans les budgets des différents ministres ?
Une bonne chose, les gouvernements francophones s’étaient engagés à généraliser progressivement l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras), dans toutes les écoles de la Communauté française. Nous nous réjouissons du budget de 300 000 euros alloué à ces animations organisées par les centres de planning familial avec une priorité pour les écoles techniques et professionnelles.
Quel sera le financement pour le personnel supplémentaire dans les plannings ? Comment le budget sera-t-il ventilé ? Quel sera le plan pluriannuel ?
En ce qui concerne les mariages forcés, nous ne sommes nulle part au niveau de l’hébergement des victimes ; un consensus n’ayant encore été dégagé quant au type de logement : maisons d’accueil et/ou familles d’accueil.
Ou en est la création de la ligne téléphonique dédiée ? Quel budget lui est attribué ? Quelle collaboration avec la FWB ? Les services de médiation de dettes, jusqu’ici agréés sans être financés, se voient dotés d’un financement. C’est important dans ce contexte économique assez sombre. Une modification du décret ambulatoire sera nécessaire afin de garantir une sécurité financière aux nouveaux services de dettes qui seront agréés par la Cocof. Le métier de garde à domicile devra faire l’objet d’une reconnaissance dans le décret ambulatoire.
Le budget de la politique d’aide aux personnes handicapées est augmenté de 4,906 millions d’euros mais demeure insuffisant face aux besoins légitimes des parents, associations et en particulier de la grande dépendance. Ma collègue Caroline Persoons reviendra plus spécifiquement sur les personnes en situation de handicap. En matière d’ETA, comment va se traduire le soutien à ce secteur ? Le secteur culturel est très touché par les coupes budgétaires. Le Plan culturel est hélas toujours en gestation.
Quel est le calendrier de mise en route. ? Alors que le Ministre Kir dit avoir demandé au Collège de dégager une somme d’un million pour la culture, il ne lui a été octroyé qu’une enveloppe budgétaire de 50.000 euros pour 2013. Comment justifiez-vous une somme si dérisoire ? Quelle sera l’affectation de ce budget ? Qu’en est-il de la plate-forme de réflexion sur la concertation et les partenariats culturels telle que souhaitée à l’issue des recommandations issues des auditions au sein de la Commission Culture du Parlement ?
Le Ministre a rappelé que c’est avec les néerlandophones qu’il faudra investir dans la politique culturelle bruxelloise. Des collaborations avec la VGC sont déjà opérationnelles. Les francophones ont toujours été ouverts. En périphérie, faut-il le rappeler, les droits culturels des francophones continuent à être bafoués.
A l’heure où les droits de 150. 000 francophones de la périphérie ont été sacrifiés sur l’autel de la catastrophique sixième réforme de l’Etat, nous regrettons que le Conseil consultatif des francophones de la périphérie initié à l’époque par Hasquin ne soit plus d’actualité. Que comptez-vous faire pour relancer cette initiative ? En matière de sport, différentes initiatives ont été menées et je salue particulièrement le « sport au féminin » ainsi que celles liées au Fair Play.
Au niveau de la formation professionnelle, Bruxelles-Formation est ainsi confirmée dans son rôle de régisseur de formation professionnelle. Si nous nous réjouissons de ce que Bruxelles Formation bénéficie d’une enveloppe complémentaire de 4 M, ce sont de courtes averses sur une terre desséchée. Les efforts demeurent insuffisants au vu de la situation catastrophique du chômage. Quand sera lancée la fameuse conférence interministérielle « Emploi-Formation professionnelle-Enseignement » promise depuis 2009 ? Où en est le Plan stratégique de Formation qui nous donnera à voir clair dans les moyens et méthodes qui seront proposés pour atteindre les objectifs ?
En matière de formation des classes moyennes, le budget de 2013 permettra de développer les formations en alternance, nous nous réjouissons de ce qu’une attention particulière sera mise sur le développement de passerelles avec les structures de l’enseignement. Si nous saluons les efforts du gouvernement, les FDF plaident pour un investissement significatif en matière de qualification et de formation pour donner des chances à l’autonomie, à l’émancipation. Le déficit de qualification est une des causes première et structurelle du chômage et donc de la précarité. Le mal social bruxellois trouve sa source dans un déficit de qualification lié aux piètres performances de notre enseignement professionnel et de la formation postscolaire. L’importance de la non-qualification de populations entières souligne l’échec d’un certain enseignement. Pour beaucoup l’enseignement n’est donc plus l’ascenseur social indispensable. Ce terrible constat est le fait de jeunes eux-mêmes, ce qui ne peut engendrer que frustration et démotivation. C’est parce que le stock de non-qualifiés s’amplifie structurellement chaque année que la lutte contre la pauvreté ne produit pas ses effets.
Je termine par la santé. L’augmentation de 1,271 M (+ 4, 52%) permettra de renforcer le dispositif notamment des maisons médicales et de santé mentale. Nous nous réjouissons enfin de ce qu’une évaluation du décret ambulatoire parviendra au Parlement courant janvier. Nous attendons également l’étude sur la programmation ainsi que le rapport de la démarche d’évaluation qualitative.
La pénurie de psychiatres constitue un vrai problème. Quelles sont les pistes de solutions proposées pour y pallier ? C’est avec une certaine satisfaction et non une satisfaction certaine que le Ministre prudemment nous a présenté son budget. Car, ce budget reste insuffisant eu égard aux défis qui attendent notre institution. Et établir des priorités parmi des priorités, c’est forcément décevoir certains. La Cocof, telle une poule, picore en fonction de la grosseur de son bec. Ce budget Cocof vous l’avez compris, va rester le théâtre de biens de frustrations. Les FDF, vous l’aurez compris aussi, ne voteront pas ce budget.