Vous trouverez ci-dessous ma contribution à l’occasion du 25 novembre « Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ».
LA FEUILLE DE FATOUMATA
25 novembre « Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ».
Haro sur les violences à l’encontre des femmes
Des chiffres qui tuent.
Des chiffres qui s’égrènent et tombent dans la banalité.
Des chiffres qui font les colonnes des faits divers.
Des chiffres qui écrasent, comme des obus, l’autre moitié de l’humanité.
Des chiffres qui nous montrent régulièrement la barbarie sans nom perpétrée près de chez nous.
Un fléau qui n’épargne aucune partie du monde, aucune classe sociale, aucune culture, aucune religion.
Un éventail d’atrocités difficile à dresser tant l’inventivité en la matière est sans bornes.
Un mal qui menace les femmes dans leur vie même parce qu’elles sont femmes.
La violence envers les femmes, (puisqu’il faut l’appeler par son nom), première cause de mortalité dans le monde pour les femmes de 15 à 44 ans, déclare la guerre à une femme sur cinq.
Elles n’en meurent pas toutes mais toutes sont frappées par l’oppression du système patriarcal qui institue un rapport inégalitaire entre les femmes et les hommes. La proie est pourchassée et parfois mise à mort. Au nom de quoi ? Du sexisme, de la misogynie, des traditions, de l’honneur, des dérives religieuses.
Plus d’espoir, partant plus de joie.
L’histoire nous apprend qu’en de telles injustices, de nombreuses femmes payent de leur vie, pour défendre leurs droits. Ainsi, le 25 novembre 1960, en République dominicaine, les trois soeurs Mirabal, passèrent de vie à trépas, sauvagement assassinées sur les ordres du dictateur Rafael Trujillo. Depuis, les défenseurs des droits des femmes voient sans indulgence l’étendue de la pandémie et célèbrent une journée contre la violence sexiste. Le 17 décembre 1999, l’Assemblée générale de l’ONU a proclamé le 25 novembre « Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ».
Une journée symbolique pour inviter gouvernements, organisations internationales et non gouvernementales à organiser des activités pour sensibiliser l’opinion au problème.
Une journée pour secouer haut et fort les consciences.
Une journée pour manifester et dénoncer le tsunami de violences qui s’abat sur les femmes, sans trêve ni répit.
Une journée pour se lever, pour clamer collectivement notre révolte et dire « ça suffit ! »
STOP ! Stop au nom de toutes les femmes discriminées, asservies, spoliées, humiliées, battues, opprimées, mariées de force, contraintes à la polygamie, mutilées, brûlées, enfermées, prostituées, exploitées, harcelées, insultées, séquestrées, vendues, violées, lapidées, vitriolées, assassinées, au quotidien, en temps de guerre comme en temps de paix, dans le secret du domicile, au travail comme dans les rues.
Pour dire, dans un concert de voix unanimes, que des millions de femmes vivent quotidiennement sous le régime de la terreur.
Pour dire que nous sommes toutes des victimes potentielles.
Pour dire que les femmes continuent de résister individuellement et collectivement, qu’elles ne veulent plus être mises à genoux. Qu’elles se lèvent, luttent, résistent, se libèrent, réclament leurs droits à l’intégrité physique et psychique, à la liberté, à la dignité, à la sécurité, à l’égalité, au respect de leur vie, de la vie.
Pour dénoncer la multiplication des atteintes aux droits des femmes par les fondamentalistes et extrémistes de toutes étiologies.
Pour dire assez de ce silence qui nous cantonne tous les jours dans la violence la plus extrême !
Pour dire que la violence sexiste tue mais le silence qui l’entoure tue aussi.
Pour dire assez d’abandons, de reculades, de belles promesses, de mesures ponctuelles.
Pour dire que les violences envers les femmes sont des guerres silencieuses qui détruisent des sociétés sur des générations entières.
Pour dire que la violence à l’égard des femmes n’est pas un problème des femmes mais des hommes, que c’est le rôle des hommes dans la violence qui doit être remis en question.
Pour dire que c’est vers les auteurs des violences que la stigmatisation doit être transférée et non sur les femmes victimes, que « la honte doit changer de camp ».
Qu’il est bon que les bourreaux s’accusent et que la société les accuse.
Que les coupables qui se livrent à de tels actes sont indignes et que quel que soit le mauvais diable les poussant, ils n’en ont aucun droit, puisqu’il faut parler net. Violenter une femme, quel crime abominable !
Qu’il faut que le coupable soit poursuivi, expie son forfait, soit pris en charge et soigné.
Qu’il faut que la justice soit accessible à toutes, soit plus cohérente et plus juste.
Pour dire que selon que l’on soit homme ou femme, les jugements ne vous rendront pas blanc ou noir.
Une journée pour rappeler que dénoncer ne suffit pas. Qu’il faut aussi travailler à changer les mentalités. Le combat pour l’égalité entre les filles et les garçons, contre les violences de genre doit commencer à l’école. Déconstruire des idées reçues, remettre en cause les stéréotypes sexistes et les discriminations, identifier les oppressions et les enfermements pour mieux les combattre, libérer la parole, éduquer, informer, généraliser les animations à la vie éducative, relationnelle, affective et sexuelle dans tous les établissements scolaires, aller partout où la société renforce les stéréotypes de genre, garantir l’accueil et la prise en charge efficace de toutes les victimes, la poursuite et la prise en charge efficace des auteurs, la formation et la sensibilisation des acteurs de première ligne : voilà le combat indispensable à mener !
Pour dire que la violence conjugale a un coût pour la collectivité, que des études démontrent qu’investir dans la prévention plutôt que dans le curatif et la répression permet de réduire les dépenses, qu’il faut allouer aux associations des moyens financiers et humains suffisants et pérennes permettant de développer un travail multidimensionnel et sur le long terme.
Une journée pour rappeler qu’il y a encore tant de défis à relever en matière d’accueil d’urgence, d’hébergement, de suivi post hébergement, d’accès au logement, d’insertion socioprofessionnelle, d’individualisation des droits, etc.
Une journée pour rappeler que nous devons mobiliser toutes les énergies pour que toutes les victimes, quel que soit leur statut légal, puissent être entendues, accueillies, prises en charge par des services compétents, protégées, aidées afin qu’elles puissent se reconstruire, reformuler un projet de vie et le mener à bien.
Une journée pour crier qu’il est temps de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes, une priorité nationale. C’est une question de santé publique.
En Belgique, des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années en matière d’écoute, d’accueil, d’aide, d’accompagnement psychologique et juridique mais cela n’est rien à côté du chemin qui reste à parcourir pour que nos soeurs, nos filles, nos mères, nos amies et nous-mêmes puissions vivre en sécurité, être respectées, reprendre confiance en nous et devenir pleinement actrices de nos vies. Parce que nous le valons bien !
Fatoumata Sidibé
Députée bruxelloise, Présidente de la commission Affaires sociales du Parlement francophone bruxellois, cofondatrice et ex-présidente du Comité belge Ni Putes Ni Soumises, auteure et artiste peintre.
www.fatoumatasidibe.be