Parlement Francophone Bruxellois
Interpellation de Fatoumata SIDIBE, députée, à Emir KIR, Ministre chargé des Affaires sociales et de la Famille et à Benoît CEREXHE, Ministre chargé de la Santé – 14 janvier 2011
Concerne : la lutte contre le VIH/Sida. L’interpellation est disponible ici.
Le compte-rendu intégral est disponible page 12 en cliquant ici
Le 1er décembre était la journée mondiale de lutte contre le sida. C’est l’occasion de faire le point sur cette maladie qui continue à faire des victimes.
Grâce aux progrès importants de la médecine, et plus particulièrement à l’utilisation des nouvelles associations d’antiviraux, les personnes porteuses du VIH décèdent nettement moins des suites de la maladie.
La conséquence de cette diminution de la mortalité, qui est une excellente chose, entraîne une accélération de l’augmentation de la prévalence.
Les derniers chiffres concernant l’évolution du Sida en Belgique sont sans ambiguïtés : si le nombre d’infection au VIH n’a jamais été aussi élevé en Belgique en 2009 (1.115 nouveaux cas selon l’Institut scientifique de santé publique belge), le nombre de diagnostics du virus du sida, lui, a tendance à se stabiliser (entre 1000 et 1115 cas par an depuis 2004).
Quelques données chiffrées (épidémiologie du sida et de l’infection au VIH en Belgique, novembre 2009) ne sont certainement pas inutiles pour rappeler à quel point le VIH est bien présent.
Au 31 décembre 2008, et depuis le début de l’épidémie, 22.243 personnes ont été reconnues infectées par le VIH en Belgique. Parmi ces personnes séropositives, un total de 3.902 personnes ont été diagnostiquées malades du SIDA. Parmi ces malades, à la fin 2008, 1.473 étaient encore en vie, 1.902 étaient décédés et on a perdu la trace de 527 d’entre eux.
Pour ce qui concerne les personnes diagnostiquées infectées par le VIH, le taux d’incidence cumulé (soit entre 1985 et décembre 2008) par 100.000 habitants est de 455,8 à Bruxelles, ce qui correspond à 4.779 personnes infectées. Ces chiffres sont particulièrement élevés puisque la Belgique connaît un taux national cumulé par 100.000 habitants de 197,8. Plus d’un tiers des personnes qui ont été déclarées positives depuis l’apparition du virus résident donc à Bruxelles.
Si l’on observe l’évolution à Bruxelles depuis le début de l’épidémie (Tableau de bord de la Santé en Région bruxelloise – 2010), il apparaît qu’après avoir diminué régulièrement entre 1989 et 1997, on observe une tendance ascendante depuis 1997. Cette évolution est par ailleurs la même pour l’ensemble de la Belgique.
Toujours selon les données de l’Observatoire, concernant les nouveaux cas de séropositivité à Bruxelles sur la période 2003-2007, il apparaît que les hommes et les femmes « non-belges » sont particulièrement touchés.
Au vu de ces différentes données, on peut conclure qu’une action concernant la sensibilisation au VIH / SIDA est plus que jamais d’actualité.
Les campagnes d’information, de prévention et de sensibilisation semblent s’être essoufflées et il y a un phénomène de banalisation qui fait passer sous silence cette maladie qui continue à faire des victimes.
Il apparaît, en effet, que les avancées de la médecine ont profondément modifié la perception du SIDA par la population. Celui-ci est ressenti par la population comme étant une maladie qui peut désormais se soigner, ce qui entraîne une banalisation.
En Belgique francophone, différentes associations sont actives dans l’information et la prévention du SIDA. A cet égard, la plate-forme « Prévention sida », financée par la Communauté française, remplit deux missions principales : premièrement, le soutien de la concertation des acteurs de la prévention du sida et promotion de la santé autour des axes à développer dans les campagnes de prévention et, deuxièmement, la mise en œuvre de la réalisation de ces campagnes.
J’aimerais attirer l’attention sur les populations migrantes particulièrement vulnérables ; à la fois dans leur pays d’origine, dans leur trajectoire migratoire et dans le pays d’accueil. Ces populations constituent une partie non négligeable des nouveaux cas d’infection et en raison de barrières économiques, administratives, juridiques, sociales et culturelles, elles accèdent plus tardivement au dépistage et aux traitements. Même s’il faut une approche globale, il est important de mettre l’accent sur certains groupes à risques.
Le travail réalisé par les associations est fondamental au niveau de la sensibilisation de la population.
Au niveau des associations actives sur le terrain, il y a le Siréas, Libiki asbl mais j’aimerais également citer l’association Echos séropos d’ici et d’ailleurs qui, au départ, a poursuivi les activités interrompues du Projet Matongé asbl par manque de financement. Elle a été créée officiellement en 2009 par des personnes atteintes ou touchées par le virus et cible principalement mais sans exclusive la population issue d’Afrique subsaharienne.
Echos séropos d’ici et d’ailleurs est active dans l’information et la sensibilisation des migrants, la lutte contre la discrimination, la stigmatisation et les injustices commises à l’encontre des personnes vivant avec le VIH, la création d’outils de prévention adaptés aux migrants, la collecte et la publication de témoignages, la tenue d’un blog, la participation à des conférences et l’organisation d’évènements en rapport avec le VIH, la réalisation de magazines de témoignages qui répondent à une demande d’un public qui n’a pas accès ou qui est réfractaire à l’internet la collecte des fonds pour financer leurs activités.
L’association a développé de nombreuses synergies avec des associations de prise en charge des personnes atteintes de VIH/Sida, s’appuie sur le travail et la précieuse collaboration de médecins, infirmières, psychologues, assistantes sociales, juristes, personnes vivant avec le VIH, dispose de relais communautaires issus de plusieurs communautés, s’appuie de manière importante sur le réseau et plus particulièrement le personnel psycho-socio-juridique des centres de référence en milieu hospitalier, du personnel migrant des cliniques, hôpitaux et centres de santé de première ligne ainsi que sur les éducateurs de rue.
Elle travaille avec des relais communautaires, des salons de coiffure, des restaurants, effectue une prévention de proximité. Les jeunes s’adressent régulièrement à l’association pour dire qu’ils n’ont plus de « provisions ». Les mères qui, au départ, ne voulaient pas parler sexualité avec les enfants viennent chercher des préservatifs pour les mettre dans les salles de bain des enfants. Tout cela pour dire que ces associations ont développé une méthodologie et des stratégies qui semblent fonctionner.
Ces associations plaident pour une reconnaissance du travail bénévole des associations de terrain qui font un travail de prévention de proximité et d’accompagnement des personnes vivant avec le VIH. Cette reconnaissance devra passer par l’octroi des moyens nécessaire pour mener à bien ce travail.
Avant tout, je souhaiterais donc connaître l’état de la coordination des initiatives menées avec les autres entités francophones ?
Je relève, à cet égard, qu’en 2003, les différentes commissions compétentes en la matière à la Communauté française, au Parlement wallon et au Parlement francophone bruxellois s’étaient réunies afin de procéder à des auditions et, au final, améliorer la coordination entre les actions menées. Je pense qu’une telle initiative devrait être renouvelée. Il doit par ailleurs en être de même au niveau des exécutifs.
Au vu du Tableau de bord de la Santé de l’observatoire, il ressort qu’une sensibilisation particulière à l’attention des hommes et des femmes non-belges, comme elles définie dans l’étude, doit être menée.
Pourriez-vous nous présenter les initiatives qui ont été prises en ce sens par le gouvernement ? Quelles sont les associations impliquées ? Avec quels résultats ? Des initiatives nouvelles sont-elles envisagées ?
Enfin, pour ce qui concerne les femmes, il est important de rappeler que la vulnérabilité de celles-ci à l’infection par le VIH lors des rapports sexuels est largement supérieure à celles des hommes. Cela s’explique tant par des facteurs directs d’ordres biologique et physiologique que des facteurs indirects liés aux contextes sociaux et économiques. Des mesures spécifiques sont-elles prises à l’attention de celles-ci ? Lesquelles ?
Enfin, je souhaiterais vous entendre sur la prévention dans les prisons et sur son lien avec la consommation de drogues qui, il faut bien l’admettre, y est une réalité.
Comme vous l’avez déjà mentionné dans une précédente intervention sur le sujet, l’association Infor Drogues mène des actions auprès des détenus et des institutions carcérales afin de les sensibiliser sur les risques de transmission du VIH du fait de la réutilisation de seringues.
Pourriez-vous m’indiquer si des initiatives supplémentaires sont prévues pour prévenir ce risque ?
Les modalités de mise en place d’un système d’échanges de seringue, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays européens, ont-elles déjà été évoquées ?