Parlement francophone bruxellois
Interpellation de Fatoumata SIDIBE à MM Emir Kir, Ministre chargé de l’Action sociale et de la Famille , Benoît CEREXHE, Ministre chargé de la Santé – 5 mars 2010.
Concerne : Santé de la reproduction et virginité. L ‘interpellation est disponible ici.
Le compte-rendu est disponible page 32 en cliquant ici
En novembre 2008, le Groupement des Gynécologues Obstétriciens de Langue Française de Belgique (GGOLFB) rendait public un sondage effectué en 2007 auprès des membres du Groupement.
On peut notamment y lire que :
« Sur les 254 réponses reçues, on relève qu’au cours de l’année 2007, les membres du GGOLFB ont été confrontés à 377 refus d’examen exprimés par la patiente, 344 refus d’examen exprimés par un proche de celle-ci, 310 demandes de certificats de virginité et 238 demandes de réfection d’hymen ainsi que 8 demandes d’excision/infibulation ont été sollicitées auprès des gynécologues sondés ».
Depuis quelques années, les gynécologues obstétriciens – médecins de la femme, de la sexualité et de la reproduction – sont régulièrement confrontés à des situations conflictuelles liées à la diversité culturelle. Des hommes refusent désormais que leur femme soit accouchée et même auscultée par un gynécologue masculin. On peut encore comprendre qu’en situation normale, le souhait de la femme soit d’avoir un médecin femme. Mais que faire quand une femme arrive aux urgences sur le point d’accoucher et que le mari refuse catégoriquement un gynécologue masculin ?On sait aussi que, dans certains établissements hospitaliers, se multiplient les demandes de reconstruction d’hymen ou de certificat de virginité.
L’initiative émane des filles ou d’un tiers (famille, autorité religieuse) en vue d’un mariage consenti, arrangé ou forcé ici ou dans le pays d’origine. Car, dans la culture arabo-musulmane, tout acte sexuel hors mariage est en principe illicite et illégal. Ne pas être vierge, c’est le déshonneur. Pour ces femmes, la chirurgie réparatrice de l’hymen peut être une solution pour échapper à la persécution sociale et parfois à la mort.
L’importance donnée à la virginité n’est pas un phénomène marginal. On le retrouve de l’Afrique jusqu’au Japon, de l’Europe aux USA et ce, au nom de traditions, de principes religieux, idéologiques, et sanitaires (sida, MST).
Je tiens à rappeler que si de manière visible l’islam régente tous les aspects de la vie quotidienne sous toutes ses formes (sexualité, vêtements, nourriture, loisirs) les églises ont de même procédé pendant très longtemps concernant les comportements sociaux : les relations entre les femmes et les hommes étaient règlementés par des interdits d’origine religieuse, l’avortement était considéré comme un crime, la contraception était frappée du sceau de l’illégalité, la sexualité des jeunes était hautement surveillée,
Il a fallu attendre la seconde moitié du 20ème siècle pour voir l’adoption de lois émancipatrices dans tous les domaines. Aujourd’hui, on assiste à un retour en force de la « moralité sexuelle » de la part du haut clergé catholique. La contestation du préservatif et l’appel à l’abstinence comme méthode de contraception sont autant de tentatives pour restreindre les droits reproductifs et sexuels et fragiliser les acquis des femmes.
Mais pour en revenir à l’intrusion de revendications religieuses ou identitaires, le personnel médical est en vrai questionnement.
Certains médecins souhaiteraient une loi qui interdise de manière claire pratiques car c’est cautionner un système archaïque et machiste qui porte atteinte aux droits fondamentaux.
D’autres estiment que ne pas répondre à ces demandes, c’est mettre en danger la vie des femmes concernées. La situation des institutions de soins de santé et des praticiens est inconfortable non seulement parce que cela pose un dilemme éthique aux professionnels de la santé, mais aussi parce que certaines exigences sont un obstacle à l’accès aux soins, en conséquence un danger pour la patiente elle-même.
Dans le but de permettre un accès plus facile aux soins et de favoriser la compréhension mutuelle et la sérénité que requiert la délivrance de soins de qualité, le GGOLB a proposé dix recommandations, orientées vers le public et les autorités politiques. Je cite : « Le GGOLFB demande au législateur comme au pouvoir politique de s’impliquer plus activement dans cette problématique – préoccupation concrète pour les prestataires des soins de santé – et d’entendre le message de l’interprétation de ces difficultés resitué dans une perspective générale du fonctionnement de notre société, tiraillée entre communautarisme et laïcité »
Dans le cadre de cette interpellation, je souhaiterais donc plus particulièrement connaître la position du Ministre par rapport à la reconstitution de l’hymen.
Dans ce cadre, je poserai, notamment, les questions suivantes :
– Avez-vous pris connaissance de position officielle adoptée par le conseil d’administration du groupement du GGOLFB début 2009 ?
– Une réflexion est-elle menée, tant pour ce qui concerne la réfection d’hymen que pour l’accès aux soins, avec les différents niveaux de pouvoir ? Des actions communes sont-elles envisagées ?
– Des campagnes d’informations à destination des pères, frères, oncles sont-elles menées ?
– Quelles sont les actions menées par les acteurs de première ligne, tels que les différents plannings familiaux ou les Maisons médicales ?
Je remercie le Ministre pour ses réponses.