Interpellation jointe de Fatoumata SIDIBE à Benoît CEREXHE, Ministre chargé de la Fonction Publique
Concerne: L’application du principe d’égalité entre les hommes et les femmes dans les organismes publics de la COCOF – 5 mars 2010. L’interpellation est disponible ici.
Le compte-rendu est disponible page 6 en cliquant ici
Je vois dans ce débat entamé, le signe de la vitalité de notre démocratie.
Ces dernières années, la question de l’immixtion du religieux dans l’espace public est revenue avec plus d’acuité.
Devons-nous accepter, dans les espaces publics, le port de signes convictionnels, en particulier ici du voile au nom de la tolérance, de l’ouverture, du multiculturalisme et de la liberté d’expression ? Ou au contraire devons-nous l’interdire au nom de la neutralité, du respect de l’égalité entre les hommes et les femmes, de l’émancipation ?
Si un simple bout de tissu divise autant la société et attise les tensions, c’est parce qu’au-delà de ce voile, il s’agit du choix du projet de société dans laquelle nous allons vivre ensemble dans le respect de la diversité ethnique et religieuse et d’un socle de valeurs à vocation universelle. Quelle société voulons-nous l’inter culturalisme ou le multiculturalisme, la cohésion ou le fractionnement, la citoyenneté ou le communautarisme.
Depuis quelques années, notre société est confrontée aujourd’hui à une montée de l’affirmation religieuse. La diversité religieuse et culturelle a fait émerger de nouveaux questionnements quant à la place des religions dans l’espace public.
L’islam n’est plus un objet d’importation dans notre pays, mais qu’il en est bel et bien devenu une composante interne à part entière. Les études sociologiques l’avancent que dans vingt ans, l’islam sera la première religion de Bruxelles.
Je précise que je suis originaire d’un pays de tradition très majoritairement musulmane. De quel islam s’agira t-il ? Un islam des Lumières, moderne, humaniste, ouvert, tolérant, émancipé, ou un islam passéiste, obscurantiste, de plus en plus replié sur lui-même ?
Dans les pays totalitaires islamiques, le voile est perçu comme un instrument d’oppression de la femme. Rappelons-le, dans ces pays là, les résistantes sont celles qui refusent de porter le voile. Autoriser le voile sans l’inscrire dans un cadre juridique qui pose des balises, c’est accepter de remettre en cause l’égalité fondamentale entre les hommes et les femmes.
Soyons de bonne guerre. Le christianisme, à part quelques obédiences protestantes, ne peut pas se vanter non plus d’être plus égalitaire que les autres religions.
Ce débat est important. J’aimerais reprendre ici une note diffusée en 2009 par les Femmes prévoyantes Socialistes « Voile islamique : Arguments et opinion »
« Suite entre autres à une note du SPF Justice, préconisant l’autorisation pour les fonctionnaires de travailler voilées, un troisième débat se fait jour chez nous : faut-il autoriser le port du voile islamique (ou tout autre signe d’appartenance religieuse) aux fonctionnaires, enseignant-es, ministres, magistrat-es, infirmières des hôpitaux, puéricultrices de crèches etc. qui sont, par leur métier et leur fonction, investies d’une certaine part de l’autorité de la puissance publique qui les emploie, ou dans certains cas finance leur emploi au service du public ? Il serait contraire au principe de neutralité de l’État que celui-ci soit représenté, à quelque niveau que ce soit, par quelqu’un qui affirme haut et fort une idéologie particulière ».
Il serait déraisonnable de remettre nos acquis en cause. Nous devons travailler sur les causes du repli identitaire, lutter contre le racisme, les discriminations, le chômage, la dégradation des quartiers tout et en préservant les spécificités culturelles. Cependant, faisons clairement le choix de l’interculturalisme et non du multiculturalisme, de la cohésion et non du fractionnement, de la citoyenneté et non du communautarisme. Soyons fermes face à ceux qui voudraient faire croire que les prescrits – supposés religieux – sont plus importants que l’éducation, l’accès à l’emploi, l’émancipation. Se serait faire injure aux femmes musulmanes que de penser que porter le voile et s’y accrocher est leur dernier combat à livrer.
Nous ne pouvons plus nous contenter de dire que nous ne sommes ni pour, ni contre. Nous devons entrer dans le débat démocratique et prendre des décisions concrètes. Au nom de la démocratie. Au nom de l’égalité homme/femmes.